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12 mars 2015 4 12 /03 /mars /2015 15:59

 

Depuis les attentats des 7 et 9 janvier 2015 à Paris et Montrouge, nombreux sont les regards, pas forcément bienveillants, qui se portent sur l'école. Le 22 janvier 2015, lors d'une conférence de presse sur "Education, jeunesse, citoyenneté, laïcité : l'Etat se mobilise", Najat Jallaud Belkacem, la ministre de l'Education nationale, a lancé "une grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République", et a martelé : "L'école a une fonction morale". Le Premier ministre, quelques jours avant, du haut de la tribune de l'Assemblée nationale, avait crié trois fois le mot : laïcité! Le cri était-il déjà solution?

 

L'école véhicule majoritairement l'image d'une laïcité de méfiance vis-à-vis des religions, une laïcité d'occultation de la diversité culturelle de la société française, soit une laïcité d'assimilation/exclusion en contradiction avec l'esprit des Lumières, avec celui de la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat. Cette conception de la laïcité est curieusement proche de la pseudo-théorie du choc des civilisations et de la rhétorique du Front national qui capte le terme même de laïcité pour son discours d'exclusion.

 

Aujourd'hui, le programme d'éducation civique du collège propose le thème laïcité en 6e - et seulement 6e! Que disent les dix manuels de la laïcité mais aussi de l'identité?

La conception d'identité est quasiment exclusivement juridique, elle occulte le pluralisme social et culturel de notre société.

La conception de la laïcité dans les définitions de lexiques comme dans les pages des manuels est celle d'une laïcité de méfiance, une laïcité d'assimilation/exclusion est également omniprésente. et rejoint celle d'une laïcité d'occultation de la diversité culturelle, de méfiance envers le convictionnel et le spirituel, bref  d'une laïcité d'assimilation/exclusion.

Dans les lexiques, l'absence de termes précis risque de peser lourd dans la fabrication ou le renforcement de préjugés, d'amalgames, de discours doctrinaux ou radicaux, religieux ou athées, tous porteurs de peurs, d'exclusion ou de haine. L'histoire de la laïcité française tend souvent à montrer la religion comme par essence opposée à la République.  

 

Une exception : un manuel  dirigé par C.Barideau et D.Dubois (Hatier) offre une toute autre image, celle d'une laïcité de confiance envers le culturel, le convictionnel et le spirituel, une laïcité d'intégration /inclusion. Il est aussi le seul à distinguer prosélytisme et enseignement des faits religieux. 

 

L'image d'une laïcité de méfiance, d'assimilation/exclusion est toujours omniprésente dans les autres manuels d'éducation civique et d'histoire-géographie du collège ; L'amalgame entre islam et terrorisme est rarement décrypté.

Dans les manuels d'histoire, cette image vaut aussi pour les pages traitant des faits religieux globalement dévitalisés, quasiment privés de leur dimension symbolique et vus comme relevant des temps anciens.

 

Loin de nous l'intention d'accabler auteurs ou éditeurs de manuels. Disons d'emblée que les responsabilités sont largement partagées, l'image d'une laïcité de méfiance, d'assimilation/exclusion envers le culturel, le convictionnel, le fait religieux est d'abord omniprésente dans les programmes et divers textes officiels.  

Quant à l'enseignement de la laïcité sur le terrain, les enseignants peu formés, face à une administration peu aidante et des parents animés de peurs diverses et légitimes, semblent avoir opté majoritairement pour une laïcité de méfiance voire pour une laïcité d'abstention.  

 

Notre école, notre société ne sont-elles pas condamnées à une révolution copernicienne? Celle de passer d'une laïcité de méfiance et d'assimilation/exclusion que chérit le Front national, à une laïcité de confiance ouverte à la  pluralité culturelle, à une laïcité d'intégration/inclusion où vivre ensemble rime avec le respect de la dignité de chacun, à une laïcité comme espace-creuset où s'expérimentent les valeurs républicaines  issues des différentes traditions religieuses et philosophiques, la culture du débat et la pratique d'initiatives citoyennes?

 

 Le 11 mars 2015

           

Alain Merlet et Jean-Marc Noirot  

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