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27 mai 2014 2 27 /05 /mai /2014 16:00

Analyse manuels histoire de sixième de collège 2009 -2013

- issus des programmes de 2008 -

 

Troisième partie : Les débuts du christianisme

 

5.  Les débuts du christianisme

 

Nous avons choisi d'étudier sur ce thème les questionssuivantes :

5.1  Remarques sur la forme

5.2  Sources utilisées par les auteurs

5.3  Contexte politico-religieux des débuts du christianisme

5.4  Jésus et son message   

5.5  Son procès et sa crucifixion

5.6 La foi des premiers chrétiens, Paul de Tarse, Le Credo

5.7  Les pratiques des premiers chrétiens

5.8  Les chrétiens persécutés, tolérés puis alliés au pouvoir politique

5.9  Histoire des arts et les débuts du christianisme  

5.10  Les débuts du christianisme : conclusion 

 

5.1 Quelques remarques de forme

 

Pagination souvent réduite!...Expressions quelquefois dépréciatives !...

 

5.1.1 Les choix de pagination (1)

 

Nous ne reprenons pas les remarques générales faites ci-dessus - au § 4.1 - sur la pagination. En ce qui concerne précisément la partie consacrée aux débuts du christianisme, le nombre de pages varie entre 14 chez Hatier, Lelivrescolaire  et  Magnard éd.2013, et 19 pages chez Magnard éd. 2009 ; dans cette fourchette, 16 pages chez Belin éd.2009 - 2013, Hachette et Nathan,  18 pages chez Bordas. Ces écarts - supérieur à 1/3 - sont significatifs. Chez Magnard, la baisse très nette de cinq pages d'une édition à l'autre l'est également. On retrouve sans surprise des paginations variables, inférieures ou non, aux instructions officielles.

 

5.1.2 Le choix de la typographie

 

Concernant l'usage de la majuscule et la présence de guillemets pour des termes du champ religieux, on observe un respect d'usages qui, d'ailleurs, ne font pas objet d'explicitation. On ne retrouve ici la grande instabilité typographique de la partie d'histoire des débuts du judaïsme.

Pour identifier les sources bibliques, certains éditeurs choisissent d'indiquer tel chapitre avec un chiffre romain ; d'autres, un chiffre arabe. Belin éd. 2009 et 2013 utilise les deux, ce qui manque de cohérence de notre point de vue.

 

5.1.3  Des expressions dépréciatives des faits religieux 

 

Remarques déjà formulées dans la partie précédente . Côté textes- auteurs, on note quelquefois l'utilisation de précautions excessives de style quand sont formulés des objets de croyance . Deux formes d'expression sont repérées : l'usage du conditionnel et du "selon la Bible," suivi du conditionnel.

C'est plus particulièrement le cas chez Belin éd. 2009 et 2013 (p.134) et chez Magnard éd.2009 (p.138) et éd.2013 (p.128) où l'utilisation du conditionnel sonne comme un jugement dépréciatif, peu respectueux  aussi bien du fait religieux évoqué que d'élèves susceptibles d'appartenir à cette même tradition religieuse; exemple d'excès de distanciation: "Pour les chrétiens, il (Jésus) serait ressuscité..." (p.134). Chez Bordas, "C'est là que (Jésus) serait apparu ressuscité." lit-on en légende d'une vue des bords du lac de Tibériade.(p.130). Chez Magnard éd.2009, " Après sa crucifixion, ses disciples auraient annoncé sa résurrection..." (p.138)

Les éditeurs ont fait, dans l'ensemble, le choix d'un nombre de pages relativement réduit consacré au christianisme dont la présentation tout comme celle du judaïsme n'est pas simple. L'utilisation de certains conditionnels révèlent  parfois un certain irrespect des croyances et des croyants .

 

(1) le nombres de pages consacrées au christianisme et le différentiel  entre le nombre de pages consacrées et au judaïsme et au christianisme et les 20% recommandés par les textes officiels  se répartissent selon l'édition comme suit : Belin éd.2009 : 16 /-2 ; Belin éd.2013 : 16 / -2 ; Bordas : 18 / 0 ; Hachette : 16 / 0 ; Hatier : 14 / - 6 ; Lelivrescolaire : 14 / - 8 ; Magnard éd.2009 : 19 / 0 ; Magnard éd.2013 : 14 / - 6 ; Nathan: 16 /- 2. Pour plus de détails, se reporter à la note du § 4.1

 

 5.2 Les sources 

 

Les manuels présentent  les débuts du christianisme en se référant à des sources chrétiennes et non chrétiennes ainsi qu'à l'archéologie.

Pour les sources chrétiennes, les manuels sélectionnent de extraits nombreux et variés des quatre Evangiles et des Epîtres de Paul de Tarse mais très peu présentent des passages des Actes des apôtres, sources précieuses pour l'histoire des premières communautés judéo-chrétiennes.

Deux remarques : d'une part, deux des trois éditions les plus récentes de 2013 - Lelivrescolaire et Magnard donnent leurs sources. Lelivrescolaire mentionne : "EBAF, Jérusalem" - qui est l'Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, auteure de la Bible de Jérusalem. Magnard cite la "Bible de Jérusalem, éd. du Cerf, 2008". Les sept autres manuels ne mentionnent pas l'origine des traductions des Evangiles utilisés. D'autre part, excepté Lelivrescolaire, les différentes éditions donnent  souvent des références inexactes aux versets d'un chapitre d'un Evangile ou Epître cité et ne signalent que très exceptionnellement les coupures faites aux textes originaux.

Pour les sources textuelles non chrétiennes, tous les manuels proposent au moins un texte des Antiquités juives de Flavius Josèphe, "un historien romain juif". Belin, Hachette, Hatier et Magnard s'appuient sur les Annales de Tacite, "historien latin". Belin (p.131) et Nathan (p.138) ajoutent un extrait d'une Lettre à l'empereur Trajan de Pline le Jeune, gouverneur de Bithynie. Bordas (p.131) cite Celse, "écrivain grec du IIe siècle".

Les sources archéologiques sont présentes seulement chez Magnard éd.2009 avec deux photographies de "la pierre Ponce Pilate, retrouvée en 1961, à Césarée maritime" et de "la "piscine" de Siloé à Jérusalem." (p137). Ces illustrations sont accompagnées, pour la première, d'un texte des Antiquités juives de Flavius Josèphe citant Jésus et Pilate, et, pour la seconde, d'une légende mentionnant la guérison par Jésus de l'aveugle-né selon "l'Evangile de Jean". On ne peut que regretter que ces documents ne figurent pas dans l'édition 2013 ainsi que dans les autres manuels.

En conclusion, Lelivrescolaire et Magnard éd.2013 sont les seuls à donner les références précises des textes bibliques. Seul, Lelivrescolaire indique les coupures faites dans les textes choisis. Les sources non chrétiennes sont prises en compte mais les découvertes archéologiques le sont insuffisamment. 

 

5.3   Le contexte politico-religieux des débuts du christianisme

 

Contextualisation souvent absente...

 

Cartes et textes d'auteur présentent tous un petit territoire du Proche Orient pratiquant une  religion monothéiste faisant partie d'un vaste empire romain polythéiste. Cependant, seule une carte, dans Belin éd.2009-2013 (p131), montre les nombreuses communautés juives installées dans l'empire romain et au-delà. La présence de ces dernières rappelle les différentes périodes de dispersion des Juifs dans et hors l'empire romain et permet la compréhension d'une des causes d'une rapide diffusion du christianisme. Cette mise en perspective des évènements est un souci pédagogique à signaler.

Tous les manuels donnent un élément contextuel important : l'attente d'un "Messie envoyé par Dieu", d'un "sauveur annoncé par les Prophètes" pour rétablir le royaume d'Israël. Bordas cite même à bon escient un midrach à ce sujet (p130). 

Cependant, la présentation du judaïsme pluriel de l'époque manque sauf dans Bordas. Ce dernier donne un extrait des Antiquités juives de Flavius Josèphe, titré "Les trois écoles du judaïsme en Palestine". Y sont présentées "trois écoles de croyance et des pratiques religieuses fort différentes...Les Pharisiens...Les Saduccéens sont peu nombreux et appartiennent à l'élite...Les Esséniens." (p130).

Manquent  ici les Zélotes, groupe d'opposants radicaux à l'occupation romaine  qui se recrutent dans toute la société. Ils pratiquent la lutte armée et Judas en faisait partie.

Nous renvoyons les lecteurs à notre étude critique faite de la partie consacrée au judaïsme du premier siècle - voir § 4.6 - où quatre groupes étaient distingués.

L'absence d'une contextualisation précise dans tous les manuels pose question. Seule une présentation détaillée du contexte politico-religieux permet de comprendre l'accueil très divers des paroles et gestes de Jésus selon le public auquel il s'adresse, les circonstances et les motifs de sa condamnation à mort, la séparation progressive d'un courant religieux judéo-chrétien vers son autonomie propre, enfin, une des sources de l' antijudaïsme et des accusations millénaires et sans fondement historique et - théologique du point de vue chrétien - de "peuple déicide" à l'adresse du peuple juif. Ainsi, l'élève, dans les programmes actuels, aurait des éléments importants pour relier, trois années plus tard, en classe de 3e l'histoire juive au plus grand génocide du XXe siècle, la Shoah.

Cette quasi absence de contextualisation estompe l'évolution en rupture/continuité qui aboutit à la victoire du rabbinisme synagogal et à la naissance d'un nouveau courant judéo-chrétien puis judéo-pagano-chrétien.

 

5.4  Jésus et son message

 

une image décontextualisée et édulcorée

 

Pour plus de clarté, étudions d'abord les textes d'auteurs, ensuite les documents textuels ; les documents iconographiques seront étudiés dans la partie histoire des arts. 

5.4.1  Jésus et son message dans les textes d'auteurs 

Tous les textes d'auteurs présentent Jésus comme un homme dont l'existence historique est prouvée ; il est le "Messie" pour "certains juifs" puis pour de nombreux "païens". Tous les auteurs indiquent que Jésus propose "un message d'amour" et "promet la vie éternelle".

Sur l'historicité de Jésus, Lelivrescolaire est le plus précis :" En dehors des Evangiles, les récits de l'historien romain Flavius Josèphe et du Talmud de Babylone (commentaire de la Bible par les rabbins juifs) sont les deux principaux témoignages sur la vie de Jésus." (p.134)

Cependant, en ce qui concerne le terme de "Messie" - voir Lexiques § 3.3 -, tous les manuels en donnent des définitions incomplètes et imprécises qui ne disent pas que, pour les chrétiens, le Messie est Dieu incarné en Jésus-Christ.

Deux manuels seulement présentent précisément l'essentiel de la foi chrétienne : "Pour les chrétiens, Jésus est le fils de dieu, venu sauver les hommes grâce à son sacrifice sur la croix. Il est le Messie annoncé dans les Ecritures juives." Bordas (p.136) ; "Jésus se dit le fils de Dieu, venu sur terre pour apporter la "bonne nouvelle" (Evangile en grec)"  Hachette (p. 154).

De plus, aucun auteur ne parle de la liberté d'interprétation de la Bible hébraïque pour Jésus, ni de la liberté de son comportement qui privilégie les rencontres avec tous et, plus particulièrement,  avec les exclus de la société juive comme avec les non-Juifs. Les auteurs taisent également la montée des tensions, surtout avec le groupe des Pharisiens qui accusent Jésus de blasphème, de non respect du shabbat...

D'une manière surprenante, un seul manuel présente un élément de foi original et propre au christianisme, le mystère de l'incarnation : "les chrétiens croient en un Dieu, incarné en Jésus-Christ". Ce manuel est aussi le seul à souligner le caractère de continuité - rupture que représente le message de Jésus : "Jésus ne rejette pas la Bible, ni la religion juive." (Nathan, p.136).

 

5.4.2  Jésus et son message dans les documents textuels

 

A coté d'extraits d'évangiles, toutes les éditions présentent un extrait des Antiquités juives de Flavius Josèphe, 1er siècle après J.-C.

Les neuf éditions donnent de très nombreux extraits des évangiles de Matthieu, Marc, Luc et, dans une moindre mesure, Jean. Ces derniers concernent "la promesse de la vie éternelle" (Luc, 10, 25-37)," le royaume des cieux" (Matthieu, 13, 47-50), "l'amour de Dieu pour les hommes", "l'amour du prochain, de son ennemi"(Matthieu, 5, 43-47) avec des récits de paraboles, de miracles.

Prenons six exemples d'extraits des Evangiles et des Actes des apôtres , que nous analyserons selon deux critères: la pertinence de leur choix par les éditeurs et, éventuellement, celle de leur accompagnement pédagogique

- Six éditions sur neuf - Belin éd. 2009-2013 (p.132), Hatier (p.140), Magnard ed.2009 (p.139), Magnard ed.2013 (p.126) et Nathan (p.133) présentent le texte du "plus grand commandement" - "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit; et ton prochain comme toi-même" ( Matthieu 22, 34-40 et Luc 10, 25-28). Seul, Hatier, pose des questions sur le contenu même de cette citation : "Quelles sont les deux principales obligations du croyant selon Jésus? De quel livre religieux proviennent ces obligations?" Aucun ouvrage ne se risque à proposer une définition pour le mot "âme".

- Seules, quatre éditions présentent les textes qui fondent un évènement-clé du christianisme, la Cène : Belin éd. 2009 ( p.135) et éd. 2013 (p.132), Bordas (p.134) et Nathan (p.133) avec un extrait de l'Evangile de Matthieu, 26 ; Lelivrescolaire avec un extrait de la Première Epître de Paul de Tarse aux Corinthiens, XI (p.135).

- On peut regretter aussi que, seuls, trois éditeurs - Magnard ed.2009 (p.139), Magnard ed.2013 (p.128) et Nathan (p.134) - présentent l'épître aux Galates (3, 26-28) dans laquelle Paul de Tarse expose l'universalité du message de Jésus : "Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ; vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus ni homme ni femme; car vous êtes tous un en Christ." (traduction Louis Segond, ABF). Seul, Magnard éd.2013 demande explicitement : "En quoi ce message est-il universel?"

- Seul, Bordas présente un extrait de Marc, 11, 15-19 où Jésus chasse les marchands du Temple (p.133), un très bon choix qui montre Jésus dans le contexte social de son temps.

- Lelivrescolaire fait également un choix très pertinent en donnant un extrait de Matthieu, 22, 15-21, (p.138), avec pour titre "Distinguer pouvoir et religion".

- Enfin, les manuels Belin éd.2009-2013 sont les seuls à présenter la prière que Jésus adresse à son Père, le Notre Père, la principale prière des chrétiens. Encore faut-il ajouter qu'il n'en garde que la première partie (p.135).

Globalement, les documents présentés et leur traitement pédagogique évacuent le contexte politico-religieux que le choix d'autres textes auraient pu éclairer. Seuls quelques éditeurs vont dans ce sens. Les élèves auront du mal à entrer dans l'originalité et la radicalité du comportement et des paroles de Jésus en butte à un environnement qui deviendra de plus en plus hostile.

Dans l'ensemble, un seul éditeur, Nathan, présente la rupture - continuité que représente la naissance de ce deuxième monothéisme  et cette spécificité du christianisme qu'est le mystère de l'incarnation. Enfin, les textes d'auteurs et les documents choisis donnent une image  trop décontextualisée et souvent édulcorée de Jésus et de son message.

 

5. 5 Le procès et la crucifixion de Jésus

 

Choix peu pertinents des textes...Causes estompées de la condamnation...

 

Qui accuse Jésus? Pour quels motifs? Qui le condamne à être crucifié? Si les réponses à ces questions font encore l'objet de nombreux débats entre exégètes, il est important d'examiner comment les éditeurs traitent ou éludent ces questions qui ont alimenté des comportements haineux et criminels.

Tous les manuels - sauf Bordas -, dans les textes d'auteurs, mettent en cause " les autorités religieuses juives ", plus précisément, " les prêtres de Jérusalem " (Hachette, p.154) ou " les prêtres juifs du Temple " (Hatier, p.138).

Mais le lien de celles-ci avec l'occupant romain n'est précisé dans aucun manuel.

Les motifs de l'accusation exposés par les auteurs - sauf Bordas qui n'en dit rien - sont très variables. Jésus est vu, par les autorités juives, comme un " imposteur ", quelqu'un qui " irrite les prêtres de Jérusalem qui jugent son enseignement contraire aux traditions " (Hachette, p.154) " Son enseignement inquiète les autorités religieuses juives..." (Magnard éd.2009, p.138).

Nathan seul note l'essentiel : "les autorités juives lui reprochent de se faire passer pour le Messie..."(p.132)

Sans préciser toutefois que cette prétention est un blasphème qui mérite la mort aux yeux des autorités religieuses juives (Marc, 14, 61-64).

Les auteurs de quatre manuels - Belin éd.2009 et 2013, de Bordas et Lelivrescolaire - ne disent pas qui condamne Jésus à mort . Pour l'auteur de Magnard éd.2013, ce sont les "Romains".(p.128). Pour Nathan, ce sont les "autorités romaines". (p.136). Pour Hachette (p.154), Hatier( p.138) et Magnard éd.2009 (p.138), c'est "le gouverneur romain Ponce Pilate".

Mais aucun manuel n'évoque la collusion, pourtant déterminante, entre les autorités religieuses juives et le pouvoir politique romain.

Les manuels, dans l'ensemble, n'aident pas à comprendre la responsabilité partagée des autorités religieuses juives et de l'occupant romain dans la condamnation de Jésus. Ce qui serait pourtant une bonne manière de préparer les élèves à l'étude du nazisme en classe de troisième.

 

5.6  La foi des premiers chrétiens : Paul de Tarse, Le Credo  

 

5.6.1  Le rôle de Paul de Tarse

Cinq manuels - Belin éd 2009-2013, Bordas, Magnard et Hachette ont raison de préciser : "Paul de Tarse est juif et citoyen romain". Bordas (p.137) et Hatier (p.139) font bien d'évoquer "le chemin de Damas", évènement devenu métaphore représenté dans  de nombreuses oeuvres d'art. Cependant aucun manuel ne signale qu'avant sa conversion, Paul était rabbin pharisien et ainsi "persécuteur de chrétiens" (Belin, p.130;Bordas, p.137 et Magnard, p. 140) ou, plus précisément, de judéo-chrétiens.

Tous les manuels parlent du rôle majeur de Paul dans "la conversion des Juifs et des païens". Seul Belin a le souci de faire figurer sur une carte les différentes communautés juives réparties dans tout le monde romain où Paul se rend pour sa mission (p.131).

Deux manuels seulement, par le choix d'un extrait des Actes des apôtres, donnent à voir les difficultés rencontrées par Paul auprès de beaucoup de juifs, le jour du shabbat, à la synagogue (Bordas, p.137). Aussi prendra-t-il: la décision d'aller vers les "païens" (Hatier, p.139).

Compte tenu de l'importance de Paul dans l'histoire du christianisme, la présentation de sa vie et des difficultés qu'il rencontre sont abordées avec trop de distance.

 

5.6.2  Le Credo

 

Un texte mutilé et amputé de sa signification

 

Quatre manuels sur neuf - Belin éd.2009, Lelivrescolaire et Magnard éd.2009-2013 ne proposent pas l'étude du Credo et aucun de ceux qui le présentent ne le fait d'une façon satisfaisante.

Le contexte de son écriture est, au contraire, bien analysé dans tous les les manuels - sauf Belin 2009- 2013 - qui précisent bien que le concile de Nicée s'est réuni en 325 à l'initiative de l'empereur Constantin pour fixer les croyances chrétiennes. Bordas, Lelivrescolaire et Nathan vont plus loin dans la contextualisation de cet évènement, présentent un extrait de Vie de Constantin d'Eusèbe de Césarée, IVe siècle, insistant à juste titre sur la volonté de Constantin à faire taire les querelles qui divisent l'Eglise et menacent l'unité de son empire

Les cinq ouvrages qui présentent le texte du Credo ne donnent pas  l'origine de la traduction - souvent approximative - et multiplient des coupures non signalées.

Alors que les premiers mots du Credo sont justement : "Je crois en un seul Dieu", le questionnement pédagogique donne du christianisme l'image d'une  religion aux trois divinités distinctes : "Quelles sont les trois principales croyances du chrétien? Laquelle de ces croyances est partagée par les juifs?" (Hatier, p147) et (Belin, éd.2013, p.140). Les autres éditeurs - (Bordas, p141), (Hachette, p160) et (Nathan, p141) - ne précisent pas davantage que le dieu des chrétiens est un dieu unique en trois personnes - Père, Fils et Esprit.

La mention " Pour nous les hommes et pour notre salut, il (Jésus) descendit du ciel " se trouve dans les quatre manuels concernés (sauf Belin éd.2013). Mais quel en est l'intérêt si aucun de ces manuels ne donne la signification de l'expression " notre salut ".

La mention " par l'Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie..." n'est évoquée dans aucun manuel, gommant ainsi le mystère de l'incarnation. Cf § 5.4 .

Seul, Nathan ajoute deux précisions essentielles : Jésus est mort "sous Ponce Pilate ", ce qui clarifie la question de l'historicité de Jésus ; il est ressuscité " conformément aux Ecritures ", ce qui établit la continuité entre l'Ancien et le Nouveau Testament.

La mention "Je crois en l'Eglise, une, sainte, catholique..." n'est présente dans aucun manuel. C'est logiquement la phrase à la quelle tenait le plus l'empereur Constantin, puissance organisatrice du concile.

Enfin, curieusement, les cinq éditeurs "conjuguent" cette prière à la première personne du pluriel. Credo, je crois, devient "nous croyons"!

En résumé, des éléments essentiel du christianisme contenus dans cette profession de foi ne seront pas transmis à cause de coupures de passages essentiels du texte et d'un questionnement pédagogique mal orienté.

 

5.7  Pratiques des premiers chrétiens

 

une image imprécise de la vie des premiers chrétiens ...

 

Tous les manuels présentent les symboles chrétiens : l'alpha et l'oméga, le chrisme et le poisson avec leur signification.

Hachette fait une erreur historique en insistant sur la croix qui est un symbole tardif, celle-ci étant vu par les chrétiens des premiers siècles comme le rappel d'une mort infamante pour Jésus, fils de Dieu.

Tous les manuels présentent les lieux où se tenaient les premiers offices : basiliques, baptistères.

L'assemblée du dimanche et la pratique de la communion sont particulièrement bien décrites chez Belin éd.2009-2013 (p.135) et  chez Hatier (p.147). Hachette est le seul à appeler du terme actuel "messe" " la célébration du dimanche" (p.161).

En ce qui concerne la prière, seul Belin éd.2009-2013 présente le Notre Père, la principale prière des chrétiens - Matthieu, VI - mais il n'en garde que la première partie, ce qui est regrettable (p.135).

Quatre éditions seulement montrent des personnes en prière : Belin éd.2009-2013 (p.135 - 140), Hatier (p.147) et Nathan (p.136).

Trois manuels parlent du mode de vie des premières communautés chrétiennes en posant des questions concrètes (Magnard éd.2013, p.129 et Nathan, p.135). Lelivrescolaire le fait à sa manière - "les pratiques des premiers chrétiens" (p.138) mais donne dans le texte de Pline le Jeune comme équivalent du mot superstition le mot decroyance , ce qui est beaucoup trop rapide.

Le calendrier des fêtes chrétienne est surtout présent chez  Hachette (p.167) et Magnard éd.2009 (p.149) avec un bon accompagnement pédagogique.

C'est donc une minorité de manuels qui donnent une image précise et concrète de la vie des premiers chrétiens.

 

5. 8  Les chrétiens persécutés, tolérés puis alliés au pouvoir politique au

début du christianisme et dans les deux empires chétiens

 

5. 8.1  Les chrétiens aux débuts du christianisme

 

Un succès peu expliqué ...une évolution peu interrogée...

 

Pourquoi une partie des Juifs puis surtout les païens se  convertissent au christianisme? Deux manuels seulement - Hatier, p.142 et Bordas p.142 - sur neuf en donnent les raisons : la nouvelle religion est "accessible à tous", elle rassemble riches et pauvres, maitres et esclaves dans "les communautés chrétiennes" ; elle promet la vie éternelle. "Le courage des martyrs ...est admiré".

Pourquoi les chrétiens ont-ils été persécutés du Ier au IIIe siècle?

Tous les manuels disent que les chrétiens sont accusés par les autorités romaines d'être de mauvais citoyens et une menace pour l'Empire en refusant le culte impérial. Trois manuels vont plus loin. Hachette (p.158) et Nathan (p.140) évoquent le refus de porter les armes, le premier précisant " pour respecter le message de paix délivré par Jésus."

Hatier ajoute d'autres motifs de persécution ; on accuse les chrétiens " d'irriter les dieux romains en refusant de participer aux sacrifices. On raconte que les chrétiens mangent des enfants et boivent du sang humain." (p.142).

Pourquoi le pouvoir romain est-il devenu tolérant à l'égard du christianisme et intolérant envers les autres croyances?

Tous les manuels mentionnent que les persécutions entraînent de nouvelles conversions au christianisme. Toutefois, ils ne disent pas explicitement que le succès de ce nouveau monothéisme fera prendre conscience aux empereurs romains de la nécessité de prendre en compte cette nouvelle force politique.

Cinq manuels - Bordas (p.140), Hachette (p.158), Lelivrescolaire (p.141), Magnard 2013 (p.130) et Nathan (p.140) - notent bien que, dès le IVe siècle, les empereurs romains utilisent la religion chrétienne pour unifier l'empire.

Aucun manuel ne soulève la question de la contradiction entre le choix des chrétiens et de leurs responsables de se mettre au service des empereurs et le message de l'évangile. Trois manuels titrent un paragraphe "Le triomphe du christianisme" ( Belin éd.2009- éd.2013, p.136), "Le christianisme triomphant" (Hachette, p.158). S'agit-il de christianisme ou de chrétienté en tant qu'ensemble des chrétiens devenus force politique dominante? Cette simplification excessive était déjà inscrite dans " les ressources pour la classe : les débuts du christianisme " (1) qui proposent, comme une des trois problématiques pour ce thème, " de la persécution au succès"...

Quant au rôle des chrétiens aux débuts du christianisme, Hatier est le seul à souligner l'importance grandissante des moines dans l'évolution de la société occidentale sur les plans culturel et économique (p.147). 

 

5.8.2 Les deux empires chrétiens

 

Les relations du religieux au politique insuffisamment interrogées

 

Pour les diverses formes d'évangélisation, cinq manuels - Belin 2009 (151), Bordas (160), Lelivrescolaire (152), Magnard 2013 (p143) Nathan (154) - citent un texte montrant la violence déployée par Charlemagne pour l'évangélisation des Saxons. Belin, Bordas et Magnard la mettent en parallèle avec la méthode pacifique utilisée par les Byzantins pour convertir les Slaves.

Le rôle des moines dans l'évangélisation et le "rayonnement culturel" n'est précisé que dans trois éditions : Hachette  (p.176),  Hatier (p.160)  et Nathan ( p.152)

Le schisme de 1054 entre latins et orthodoxes est éclairé dans Bordas par le texte  d'un historien A. Ducellier sur " Les désaccords entre latins et orthodoxes" (p.161). Les autres manuels évacuent la dimension politique.

Magnard éd. 2009 est le seul manuel à mentionner le pillage de Constantinople en 1204 (p.154). Mais il omet de préciser que les auteurs de ce pillage sont les Croisés et les victimes, des chrétiens orthodoxes. Par ailleurs, aucune des chronologies ne présente cet évènement important dans les manuels.

Si tous les manuels proposent une carte des deux chrétientés du XI au XIIe,  Hatier est le seul à y faire apparaitre les "principales communautés juives" (p.163). On peut regretter qu'aucun manuel n'ait fait figurer les nombreuses minorités chrétiennes de l'empire arabo-musulman.

A noter enfin, dans Lelivrescolaire, la présence pertinente d'un "carton" donnant un éclairage d'actualité sur les deux Eglises orthodoxe et latine (p.154).

En résumé, les raisons de l'expansion pacifique du christianisme naissant sont absentes dans sept manuels sur neuf.

L'évangélisation forcée par Charlemagne n'est présente que dans cinq manuels.

Seuls, deux manuels donnent des raisons religieuses, surtout factuelles, du schisme entre les Eglises latine et orthodoxe. Aucun ne donne à cette rupture la moindre dimension politique.

Le pillage de Constantinople par les Croisés en 1204  est absent des manuels.

Enfin, aucun manuel ne s'interroge sur la complicité qui s'installe durablement, à partir du IVe siècle, entre les pouvoirs politiques et les autorités ecclésiales romaines et byzantines ; aucun ne mentionne le clivage hiérarchique qui éloigne le haut clergé des valeurs évangéliques.

 

 (1) rédigées par la Dgesco.

 

5.9  Histoire des arts et les débuts du christianisme

 

Des images au service du récit ...et peu ouvertes à leur sens symbolique...

 

Les manuels ont choisi, à juste titre, parmi les oeuvres d'art - mosaïques, sculptures, fresques, peintures - un certain nombre de représentations datées pour certaines bien au delà des débuts du christianisme.

Prenons deux exemples les plus significatifs du point de vue symbolique, historique et pédagogique avec leurs richesses et leurs limites.

- Deux mosaïques de baptistère de Ravenne, Italie, Ve/ VIe siècle, représentant le baptême de Jésus sont présentes dans cinq manuels : celle du baptistère des Ariens dans Bordas (p.144) et Hachette (p.166), celle du baptiste néonien dans Lelivrescolaire (p.137) et Magnard éd.2009 (141) et Magnard éd.2013 (p.129).

Soit les images sont insérées dans une série à des fins de révision- Bordas, Hachette -, soit elles sont présentées seules - Lelivrescolaire et Magnard éd.2009 -2013. L'utilisation des séries est pertinente pour se repérer dans le temps , en particulier au moment des révisions.

Pour les mosaïques étudiées pour elles-mêmes, elles pourraient l'être d'une façon plus complète. L'identification du dieu fleuve personnifié évitait de le prendre pour une représentation de Dieu le Père et permettait un rapprochement avec l'étude de la mosaïque romaine chez Magnard 09 (p 114-115) et Magnard 13 (108-109). C'était aussi une façon de montrer la continuité de l'art de la mosaïque dans l'Antiquité et le goût des références mythologiques qui se prolonge même dans le cadre du christianisme. On peut regretter par ailleurs qu'aucun manuel n'ait proposé une étude croisée de cette représentation du baptême de Jésus et un extrait d'évangile.

- Un panneau de coffret en ivoire, Ve siècle, British Museum, Londres, représentant une crucifixion est présent dans sept éditions sur neuf - Belin éd.2009 (p.141) - éd.2013 (133), Bordas (135), Hachette (155), Hatier (139), Magnard éd.2013 (p.126) et Nathan (p.132). Il représente quatre personnages -un soldat romain, l'apôtre Jean, Marie et Judas pendu à un arbre - en plus de Jésus crucifié

Belin éd.2009 et Bordas intègrent cette crucifixion à un ensemble d' "épisodes" sur la vie de Jésus. L'absence de Judas dans un cadre resserré chez Belin peut se comprendre dans un contexte de révision en fin de chapitre.

Trois manuels - Hatier, Magnard 2013 et Nathan - présentent ce document en simple illustration. Ces deux derniers se contentent de faire redoubler par l'image l'information écrite. Quant à Hatier, il donne comme titre à cette image de la crucifixion : "La crucifixion de Jésus vue par les chrétiens", comme si l'artiste reflétait les représentations de tous les chrétiens de l'époque.

Trois manuels - Belin 2013, Bordas et Hachette - font jouer le rapprochement entre le texte et l'image d'ailleurs non coupée. L'image est certes une bonne illustration du texte mais on aurait pu aller plus loin dans l'étude du sens symbolique de l'image en s'interrogeant sur la présence des oiseaux et du nid sur la branche d'arbre où Judas s'est pendu. "La présence des oiseaux montre la foi dans une vie éternelle et paisible après la mort." cf. légende d'une "stèle funéraire égyptienne, Ve siècle. Musée copte, Le Caire", représentant "une chrétienne en prière." (Hatier, p.141).

Un étonnement, aucune représentation de l'Annonciation dans les neuf manuels. l'Annonciation est, pour les chrétiens, le message de l'ange Gabriel annonçant à Marie qu'elle sera la mère de Jésus, moment inaugural du christianisme. Scène qui en outre a fait l'objet de tant de représentations picturales célèbres.

En résumé, on comprend bien que les représentations des oeuvres soient au service de la chronologie de la vie de Jésus ou une façon d'illustrer des récits des évangiles ou une manière d'initier des révisions. Mais l'image a aussi un fonctionnement propre et un sens qu'il est intéressant d'explorer précisément.

 

5.10  Les débuts du christianisme : conclusion 

 

De l'évitement (1)...à une nécessaire "revitalisation" (2)....

 

Des mots-clés sont absents comme révélation, mystère, symbole, blasphème, ou mal définis comme Christ, Messie, résurrection.

Les sources des textes d'évangiles ne sont données que dans deux éditions. Des coupures de textes fréquentes ne sont pas signalées sauf exception.

Des oublis importants étonnent : aucune mention de l'Annonciation si souvent présente dans l'iconographie ; absence pratiquement complète de la plus grande prière chrétienne, le Notre Père.

Le contexte de la rédaction du Credo est incomparablement plus précis que la présentation de son contenu ignoré de quatre manuels sur neuf. Et le christianisme n'est pas clairement présenté comme une religion monothéiste par les cinq manuels qui en parlent.

Les manuels donnent de la vie de Paul de Tarse une image assez terne qui évacue son passé de rabbin juif pharisien et, pour quatre manuels sur neuf, sa conversion. Seuls, deux manuels parlent du "chemin de Damas" si présent dans l'iconographie.

L'iconographie est riche, souvent illustrative sans recherche suffisante du sens symbolique des images.

La société juive plurielle en cette période d'occupation romaine n'est pas présentée clairement : un seul manuel, par exemple, propose le passage de l'évangile où Jésus chasse les marchands du Temple de Jérusalem. Deux conséquences très importantes : d'une part, on évacue l'examen des rapports entre le politique et le religieux et la portée politique d'un choix d'avenir que fait Jésus en distinguant les deux domaines ; D'autre part, on occulte lors du procès de Jésus la responsabilité partagée des autorités religieuses juives et de l'occupant romain dans sa condamnation, ce qui ne permet pas de contribuer à déconstruire l'antisémitisme et de préparer l'étude du nazisme trois années plus tard.

L'espace consacré aux débuts du christianisme donne une image décontextualisée et édulcorée de Jésus, de sa vie, de son message. Celui consacré aux empires chrétiens ne mentionne pas que le haut clergé s'éloigne des valeurs évangéliques ; il interroge insuffisamment les relations  religion / politique. Par rapport aux autres chapitres et aux 20 % de temps demandés  dans les programmes, le choix d'un nombre de pages souvent réduit ne permet pas les développements que ce sujet complexe demande.  

 

Réécriture des textes officiels, une priorité...

 

et des moyens pour plus de formation et de concertation, une urgence...

 

On peut regretter une fois de plus que l'enseignement des faits religieux soit essentiellement programmé en France pour des élèves d'une douzaine d'années. Il serait souhaitable que les programmes des années suivantes leur permettent d'approfondir leurs connaissances et leurs "expériences humaines" dans ce domaine, par exemple en participant à des débats  dans des conditions garantissant liberté de conscience et d'expression. Une réécriture des textes officielles comme certaines "Ressources pour la classe" s'impose dans un esprit de cohérence avec le socle commun, lui-même à revisiter (3). Cette réécriture n'aura d'efficience  qu'accompagnée de temps de concertation interdisciplinaire des enseignants et d'une formation solide des enseignants à un enseignement laïque des faits religieux, enseignement qui participe à la construction d'une pensée curieuse et critique, d'une conscience ouverte au pluralisme, au dialogue et à la rencontre dans une société démocratique où les élèves se sentent invités à être acteurs.

 

(1) ce terme recouvre une réalité et une question. Une réalité : une certaine "dévitalisation" des faits religieux dans les manuels dont les instructions officielles sont en partie responsables. Une question : Parler des faits religieux peut être plus ou moins bien reçu par des élèves et/ou des parents d'élèves. Aussi, certains auteurs et/ou éditeurs n'auraient-ils pas choisi cette frilosité rédactionnelle pour éviter de mettre en difficulté des professeurs et/ou de permettre au manuel édité de garder ou conquérir un public plus large?

(2) Régis Debray, dans son livre cité plus haut, parle du risque de "dévitalisation du fait religieux".  

 (3) voir ci-dessus § 2 notre analyse du "socle commun", des programmes et des " ressources pour la classe ".

 

Claudine Charleux, Alain Merlet et Jean-Marc Noirot

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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10 avril 2014 4 10 /04 /avril /2014 09:49

Analyse manuels histoire de sixième de collège 2009 -2013- issus des programmes de 2008 -

 

Deuxième Partie : Les débuts du judaïsme

 

 

4. Les débuts du judaïsme

Nous avons choisi sur ce thème de poser sept questions aux manuels :

- Quelles sources pour l'histoire des débuts du judaïsme ont été utilisées par les auteurs d'ouvrages?

- Quels fondements du judaïsme retiennent leur attention?

- Quelles pratiques du judaïsme retiennent leur attention?

- Que disent les manuels de la diaspora?

- Que disent les manuels de l'évolution du judaïsme à partir du premier siècle de notre ère?

- Qu'en est-il de l'iconographie et de l'initiation à l'histoire des arts?

- Dans la conclusion, nous nous interrogeons enfin sur le degré de cohérence entre les pages des manuels consacrées aux "débuts du judaïsme" et les textes officiels?

Mais tout d'abord, quelques remarques de forme.

4.1 Quelques remarques de forme

Pagination souvent réduite!..Typographie instable mais non neutre!

4.1.1 Les choix de pagination

Quel nombre de pages sont consacrées aux débuts du judaïsme et du christianisme dans les différentes éditions. Les textes officiels demandent que 20% du temps du programme d'histoire leur soit consacré : on ne retrouve pas toujours le nombre de pages correspondant dans les manuels (1). On note une équivalence de pages pour trois éditions, un déficit de deux pages pour trois éditions, de six pages pour deux éditions et de huit pour une seule édition, soit un déficit de pages dans deux ouvrages sur trois. Nous verrons que le nombre élevé de pages accordées n'est pas obligatoirement synonyme de qualité de contenu et le faible nombre de pages synonyme de médiocrité. Toutefois, devant des sujets complexes, peu familiers de nombreux élèves, le temps - et l'espace attendu dans les manuels - accordé par les programmes aux débuts du judaïsme et du christianisme est, de notre point de vue, en cohérence avec l'esprit du "socle commun".

De plus les différences de pagination -si l'on admet qu'une page contient autant d'informations quel que soit le format du manuel - entre les éditions sont fort importantes : le nombre de pages va de 26 pour Hatier, Lelivrescolaire et Magnard éd.2013, à 36 pages pour Bordas et Magnard éd.2009, en passant par 30 pages pour Belin éd.2009 et Nathan, 32 pages pour Hachette. On note également le changement important des choix éditoriaux de Magnard avec une baisse de 10 pages soit d'1/3 entre 2009 et 2013.

En ce qui concerne plus précisément la partie consacrée aux débuts du judaïsme, le nombre de pages varie entre 12 chez Hatier, Lelivrescolaire  et  Magnard éd.2013, et 18 pages chez Bordas ; dans cette fourchette, 14 pages chez Belin éd.2009 - 2013 et Nathan, 16 chez Hachette et 17 chez Magnard éd. 2009. Ces écarts - de rapport 1 à 1.5 - sont très significatifs. Chez Magnard, la baisse très nette de cinq pages d'une édition à l'autre l'est également. On retrouve comme précédemment sans surprise des paginations variables, inférieures ou non, aux instructions officielles.

4.1.2 Le choix de la typographie

Deux remarques de forme - et donc de fond! - à propos de la typographie.

D'abord, concernant l'usage de la minuscule et/ou de la majuscule se référant à des termes du champ religieux, on observe des choix différents suivant l'édition ou même à l'intérieur d'une même édition. Ainsi des termes tels Alliance, Bible, Dix commandements, Tables de la Loi, Temple, Terre promise, Torah..., à qui l'usage typographique réserve une majuscule, peuvent se retrouver avec une minuscule, et ce, à des degrés divers dans toutes les éditions. L'usage de mettre une majuscule au substantif Juif quand le mot fait référence au peuple, et une minuscule quand celui-ci fait référence à la religion n'est pas toujours respecté, exemple, chez Bordas(p.122,124), Hachette(p.143), Lelivrescolaire (p.124,128),Magnard éd. 2013 (p.116,117) et  Nathan (p.127). Combien y-t-il de "coquilles"? Y a-t-il intention de "désacralisation" des termes et donc du contenu des textes? Une explicitation de ces "usages" ou "conventions" n'est-elle pas nécessaire? Le maintien de telles conventions n'est-il pas une manière de prendre en compte le respect de la dignité de chacun, de la pluralité des cultures, des spiritualités, des religions, d'une société?

Ensuite, la présence ou non de guillemets à certains termes se justifie. Une note des auteurs doit éclairer ce choix. En absence d'explicitation, les questions formulées au paragraphe précédent demeurent.

La question de l'espace choisi - et réduit - , celle d'une typographie "instable" mais non "neutre" étant mises en lumière, abordons maintenant l'étude spécifique du contenu.

(1) Les nombres de pages - consacrées respectivement au judaïsme / au christianisme / au judaïsme et christianisme / à l'histoire / 20% des pages d'histoire / différence entre le nombre de pages consacrées judaïsme et christianisme et les 20% recommandés par les textes officiels  - se répartissent selon l'édition comme suit : Belin éd.2009 : 14 / 16 / 30 / 160 / 32 /-2 ; Belin éd.2013 : 14 / 16 / 30 / 160 / 32 / -2 ; Bordas : 18 / 18 / 36 / 180 / 36 / 0 ; Hachette : 16 / 16 / 32 / 160 / 32  / 0 ; Hatier : 12 /14 / 26 /160 / 32 / - 6 ; Lelivrescolaire : 12 / 14 / 26 /170 / 34 / - 8 ; Magnard éd.2009 : 17 / 19 / 36 / 180 / 36 / 0 ; Magnard éd.2013 : 12 / 14 / 26 /160 / 32 / - 6 ; Nathan: 14 / 16 / 30 /16 / 32 /- 2.

 

4.2  Sources de l'histoire des débuts du judaïsme

"Vérité" du savoir et/ou "vérité" du croire?... Une lecture à l'accent historico-critique

4.2.1 Contexte de la rédaction de la Bible

Tous les manuels disent l'importance du rôle du roi Josias dans une première collecte des différents livres dont les premiers datent du VIIIe siècle avant J-C, le contexte étant celui de la survie du dernier royaume, celui du Juda au VIIe siècle av J.C. Tous les ouvrages notent que la Bible hébraïque procède d'écritures et de réécritures de textes sur plusieurs siècles jusqu'au IIème avant J.-C. Quatre manuels seulement - Belin éd 2009 (p.120) - éd.2013 (p.120), Bordas (p.122) et Magnard éd.2009 (p.120) - signalent des transcriptions de récits oraux. Tous les ouvrages présentent aussi la composition de la Bible; des tableaux détaillent le contenu de la Torah, des Livres des Prophètes et des Ecrits.

Dernière remarque sur la rédaction de la Bible, Lelivrescolaire est le seul à donner un exemple d'emprunt à d'autres cultures. Il propose, à la page 123, la comparaison d'un récit biblique, la naissance de Moïse, avec un récit assyrien, "la légende d'un roi de Mésopotamie, Sargon (v 2370-2314 av JC)". Cela permet de donner à voir que la Bible n'est pas "tombée du ciel", que ses auteurs ont fait des emprunts aux cultures et religions voisines, quitte à en refaire leur propre interprétation.

A la question, "comment connaissons-nous la Bible?" deux manuels sont plus précis : "La Bible nous est d'abord parvenue par des copies en grec (llle-ler siècle av J-C), en hébreu et en araméen (lle siècle) puis en latin  (Ve siècle)." ( Hachette, p.138); "Vers 280 avant J-C, la Bible est traduite en grec à Alexandrie pour les Juifs qui y sont installés et qui parlent le grec : c'est la Septante." (Hatier, p.126)

 4.2.2  Bible et histoire

Les manuels présentent  les débuts du judaïsme en se référant à diverses sources :

- la Bible hébraïque. Deux des trois éditions les plus récentes de 2013 - Lelivrescolaire et Magnard donnent leurs sources. Lelivrescolaire mentionne deux sources : "EBAF, Jérusalem" - qui est l'Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, auteure de la Bible de Jérusalem, et "livre de la Bible, traduction sous la dir.de Zadoc Kahn, Paris, 1967." Notons aussi que cette édition signale très précisément les coupures faites par les auteurs aux textes proposés. Magnard cite la Bible de Jérusalem, éd. du Cerf, 2008.

- les sources archéologiques et historiques. La plupart des ouvrages  utilisent les différents documents relevant du croire avec une plus ou moins juste distance, selon les pages, allant d'une lecture historico-critique à une lecture providentielle des débuts du judaïsme, tant au niveau de la forme que du fond.

Certaines pages de manuels mettent l'accent sur une lecture historico-critique, l'élève étant invité à adopter le seul point de vue de l'historien ou de l'archéologue, et ce, selon différentes modalités : la forme et le fond.

- En ce qui concerne la forme, la simple utilisation du conditionnel introduit le doute et une hiérarchie entre le savoir et le croire au détriment du second, exemple : "Ces trajets (des Hébreux) auraient eu lieu au IIe millénaire..." (Belin éd.2009 et 2013, p.119) ; "Cette terre ( Canaan ou Palestine) leur aurait été promise par leur dieu unique Yahvé." ( Nathan, p.118) ; "Leur dieu unique, Yahvé, leur aurait promis une terre." (Nathan, p.124). 

Dans d'autres textes- auteurs, on note l'utilisation de précautions excessives de style quand sont formulés des objets de croyance. Dans une phrase incluant l'expression "selon la tradition...", l'utilisation du conditionnel est une modalisation qui résonne comme un jugement dépréciatif, peu respectueux  aussi bien du fait religieux évoqué que des élèves susceptibles d'appartenir à cette même tradition religieuse. Exemple d'un questionnement maladroitement formulé : "Selon la Bible, qu'aurait créé le dieu des Hébreux?" (Nathan, p.123) au lieu de la question attendue : "Selon la Bible, qu'a créé le dieu des Hébreux?".

- Quant au fond, certains manuels font à des degrés divers une lecture uniquement historico-critique. Bordas en écrivant  les "récits légendaires de la Bible appartiennent au patrimoine culturel de l'humanité." (p.114) semble envoyer le judaïsme au musée en vidant a priori ces textes de leur dimension religieuse toujours actuelle. Plus explicite est la hiérarchie établie entre données historiques et récits bibliques et repérée chez deux éditeurs. Hachette interroge: "Tout ce qui est dans la Bible correspond-il à la réalité? Justifiez votre réponse." (p.150). Sans question sur les intentions des rédacteurs de ces livres, tout jeune doué de quelque raison conclura que la Bible est proche d'un récit pour enfant. Magnard éd. 2009, dans un tableau comparatif (p.121), présente "ce que dit la Bible" et "ce que dit l'historien". Sur trois des quatre questions, la seule question posée à l'élève conduit à une évidente dépréciation des textes bibliques, dépréciation reprise à la page 133. Le récit biblique du règne du roi David est confronté au document 2, " le point de vue de l'archéologue et de l'historien", un extrait d'un ouvrage d'I. Finkelstein, N. Asher Silberman, Les Rois sacrés de la Bible, Bayard, 2006.

L'édition 2013 du même  éditeur, d'écriture différente, présente toujours un discours où la "vérité" semble d'abord, sinon uniquement, du côté de la raison : "Les historiens cherchent aujourd'hui à vérifier (mot souligné par nous) ce que dit la Bible en la confrontant aux sources historiques.": lit-on dans le chapeau introductif à la double page consacrée à "La Bible et l'Histoire" (p.114-115) ; les questions sur les documents sont centrées majoritairement sur "les évènements de la Bible confirmés par l'archéologie." Ces pages révèlent les difficultés de traiter d'une question centrale qui peut être formulée de deux manières : celle d'une présentation des faits religieux qui sont "de l'histoire mais ne sont pas que de l’histoire" (1) et celle de la question du statut de la vérité, ou plus exactement de deux vérités, celle du savoir et celle du croire, les deux étant à distinguer et non à opposer ou à hiérarchiser.

Pour résoudre le problème, suffit-il d'ajouter, la mention "selon la Bible" ou "d'après la  Bible"? Les questions de fond, pointées dans les "Ressources pour la classe" portent sur l'étude "des mythes et croyances destinés à donner un sens à leur existence (des sociétés)?"(2). Cette problématique n'est explicitement énoncée dans aucune édition. Les textes-auteurs parlent du contexte de la rédaction de la Bible, évoquent les risques de disparition du peuple juif et de sa culture, sans dire la raison profonde de la  rédaction de ce livre, celle d'une réponse à la question sur l'origine, la vie et la survie du peuple juif, sous forme de "livres" qui transmettent une "révélation", terme absent des manuels .

Signalons toutefois, à la page 131 du Lelivrescolaire, un document présentant un extrait tout à fait intéressant d'un livre de Jean Bottéro, Naissance de Dieu. La Bible et l'historien, Folio, 2005. Y sont exposés , d'une part, "doutes et incertitudes" des historiens et, d'autre part, les intentions des auteurs de la Bible: "Les auteurs...ne cherchaient pas à retrouver le passé de leur peuple; ils voulaient démontrer à leurs lecteurs quelque chose de leur univers religieux: la suprématie de leur Dieu, le choix fait par lui de leur peuple." Un questionnement approprié pouvait faire comprendre aux élèves ce qui fait l'objet de la démarche historique, dans la première partie du texte, et ce qui est objet du croire, dans la seconde partie. Bottéro, dans ce texte, expose deux "légitimités" ou deux "vérités", celle de l'historien qui s'autorise à déconstruire un texte "sacré" sans oublier de présenter comme respectables les intentions des auteurs de ce même texte.

 (1) in Régis Debray, Rapport sur l’enseignement du fait religieux dans l’école laïque, 2002, p.30.

(2) In  "Pour une approche globale du programme d’histoire du collège", " Ressources pour la classe"(site : eduscol.) et notre commentaire en 2.2.2.

 

4.3  Les fondements du judaïsme

Des textes vidés de leur sens?...

 4.3.1  La présentation de la Bible hébraïque

Au delà de l'affirmation: la Bible est "le livre sacré des Hébreux", les auteurs ont quelques difficultés à présenter le statut de ces textes qui sont objets de savoir pour tous et de croire pour certains. Les termes de légende et de mythe ne sont jamais définis positivement comme "récits qui proposent du sens". L’élève "moyen" a dès lors beaucoup de mal à situer des textes qui sont, selon le contexte, vénérés et porteurs d’une vérité profonde pour les croyants ou relevant de l’imaginaire - voire de la fantaisie - pour des non-croyants. Il est donc souhaitable de justifier l’étude de ces récits en précisant, comme  Belin éd.2009 et 2013, qu’ils « sont à la source de la croyance juive, même si l'existence des personnages qu'ils invoquent n'est pas toujours prouvée" (p.118).

Une dernière remarque sur la présentation de la Bible hébraïque : aucun manuel n'annonce, dans ce chapitre, que ce livre est à l'origine d'autres monothéismes . Le christianisme qui se dit l'héritier du judaïsme, adopte en grande partie la Bible hébraïque qu'il nomme Ancien ou Premier Testament . Quant à l'islam étudié en classe de cinquième, il se réfère dans le Coran à de  nombreux noms de personnages de la Bible hébraïque - et aussi d'ailleurs de la Bible chrétienne.

          4.3.2  La présentation de récits "mythiques"

L'étude des mythes de création présentés révèle la difficulté des auteurs à faire comprendre aux élèves l'importance de ces textes comme réponses aux interrogations des Hébreux puis des Juifs sur la vie, la mort, les évènements, les phénomènes incompréhensibles...

4.3.2.1 Un récit de création

L'étude d'un récit de la création - Genèse, 1 - est présente chez tous les éditeurs sauf Lelivrescolaire (qui le présente dans son ouvrage numérique) et Magnard. Ce long récit fait inévitablement l'objet de coupures, toutes ne sont pas d'ailleurs signalées. La façon dont les coupures et le questionnement sur le récit ont été faits est riche d'enseignements.

Tous les auteurs ont éliminé une phrase qui revient six fois dans le texte original: "Dieu vit que cela était bon" - seul Belin la cite une fois. La question, "quelle appréciation porte Dieu sur sa création?", serait pourtant parfaitement pertinente. La légitime interrogation sur la valeur du monde créé pourrait alors inviter les élèves à une réflexion personnelle sur le sens de la création.

Un manuel - Bordas - présente les deux récits de création de la Bible- p.114 et 127. Ce choix nous semble très pertinent et pourrait éveiller une réflexion personnelle  chez les élèves et donner matière à des échanges dans la classe. Cependant deux critiques sont à formuler. Premièrement, le second texte de création qui se présente comme un extrait "D'après la Genèse, II, 4-24." comprend de nombreuses coupures - non signalées - particulièrement riches de sens : "Il n'est pas bon pour l'homme d'être seul" (verset 18, trad. TOB) et "Ainsi l'homme laisse-t-il son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et ils deviennent une seule chair." (verset 24, trad. TOB). Deuxièmement, aucune question ne permet de relier et de comparer ces deux récits.

Au moment où le créationnisme a tendance à se répandre, il est d'autant plus important d'étudier ces textes d'une façon précise, distanciée et respectueuse du sens proposé, en gardant à l'esprit que d'autres présentations scientifiques, religieuses, mythologiques, cosmogoniques de la création du monde existent et qu'elles ont chacune leur légitimité dans leur domaine propre. Faut-il rappeler que l'étude des "textes fondateurs" se trouve dans les programmes de français et d'histoire de 6ème et invite à une collaboration entre ces deux disciplines?

Dans l'ensemble, les questionnements sur ces récits religieux de création ne cherchent pas à en dégager un sens symbolique. Certains élèves ne vont-ils pas être tentés de ne pas prendre au sérieux ces textes alors qu'ils peuvent déjà les comparer avec d'autres récits de cosmogonies? D'autres élèves, au contraire, ne seront-ils pas tentés de prendre au pied de la lettre ces récits de la création? l'analyse historique et narrative est nécessaire mais non suffisante.

4.3.2.2  Autres récits de la Bible

Parmi les récits "légendaires", "mythiques", fréquemment retenus dans les manuels, trois personnages - dont il est précisé que leur existence n'est pas confirmée par l'histoire - ressortent  : Abraham - l'Alliance de Dieu avec Abraham (Genèse, 12, 17), le sacrifice d'Abraham (Genèse, 22) - ; Moïse - la sortie d'Egypte et le passage de la Mer rouge (Exode, 14), les Dix commandements ( Exode 20, 1-17) - ; Salomon - la construction du Temple, le Jugement de Salomon, nous choisissons d'étudier trois récits  fortement porteurs de sens, aussi bien pour le judaïsme que pour la culture générale et le vivre ensemble des élèves : Les récits de l'Alliance, celui de l'Exode et du passage de la mer Rouge et celui des Dix commandements. Nous étudierons les cartes du "trajet des Hébreux" et les représentations du Temple (ou des Temples) dans la partie sur l'iconographie.

4.3.2.2.1 Les récits d'Alliance

Sept éditions proposent un récit d'Alliance. Belin éd.2009 et Magnard éd.2009 en proposent deux. Les extraits sont tirés de Genèse, 12 et 17 ; Exode, 19 et 23 ; Deutéronome, 32, avec découpages divers. Une ambiguïté s'installe souvent entre deux termes utilisés alliance et promesse. C'est surtout l'aspect promesse qui est présenté implicitement. Les réponses aux questions en seront alors imprécises ou difficiles à trouver. Si la promesse "divine" de faire d'Abraham le "père d'une grande nation", le "père d'une multitude de peuples", se trouve dans tous les manuels, celle d'un don de terre apparait moins, sauf chez Belin éd.2009 (p.124). Seul Magnard pose explicitement la question: "Comment s'appelle le territoire promis aux Hébreux?" (éd.2009), qui devient : "Sur quel territoire les Hébreux s'installent-ils?" (éd.2013), la "promesse divine" disparaissant!     

Trois manuels seulement interrogent : "Que demande Dieu en échange?" - Lelivrescolaire (P.125), Nathan (p.126) et Hachette (p.138) qui termine par la question plus ouverte : "Que fait finalement Abraham? Pourquoi?".

4.3.2.2.2 Exode et passage de la mer Rouge

Toutes les éditions - sauf Magnard éd.2009 - présentent un texte tiré du livre de l'Exode. Trois manuels, Hachette et Lelivrescolaire, Magnard éd.2013 emploient le terme "Exode" pour titrer le document,  les autres utilisant le vocable de  "départ", "fuite", "sortie" d'Egypte. Tous les manuels - sauf Bordas et Lelivrescolaire - lui adjoignent un document iconographique que nous analyserons ultérieurement.

Peu de manuels donnent à voir ce que représente l'évènement du "passage de la Mer rouge" dans la croyance des Hébreux puis des juifs. 

Nous choisissons d'étudier huit éditions, réservant à l'édition Magnard éd.2009 un commentaire spécifique.

Quatre types de questions peuvent être repérées:

-  celle sur les raisons de cette fuite d'Egypte: Un seul manuel la pose : "Pourquoi les Hébreux veulent-ils fuir les Egyptiens?" Lelivrescolaire (p. 125). C'est une des questions centrales pour la compréhension du judaïsme et des fondements de sa croyance.

- celles sur le déroulement même du "passage de la Mer rouge :

1) celles centrées uniquement sur l'étude de la littéralité du texte sans possibilité de chercher du  sens, d'autant plus que le personnage principal, "Dieu",  est souvent  marginalisé ou occulté :

-"Que fait Moïse pour faciliter la fuite des Hébreux?" - question unique de Bordas (p.116). Le texte offrant un enchaînement de causes et d'effets très précis, minimisant le rôle de Dieu et de Moïse, met l'accent sur le magique, le sensationnel au détriment du sens. Notons que le terme "faciliter" est tout à fait réducteur.

- "Comment Moïse a-t-il franchi la mer Rouge selon la Bible?" (Hachette, p. 139)

- - "Décris la fuite des Hébreux en montrant le rôle de Moïse et de Dieu."(Magnard éd.2013)

- "Qui est le peuple de Dieu?" (Lelivrescolaire, p.125) Question trop simple.

2) celles éludant l'étude de la littéralité du texte. Trop générale, elle appelle une réponse qui permet difficilement à l'élève d'entrer dans l'intelligence du texte :

- "Selon la Bible, comment le dieu des Hébreux intervient-il dans leur histoire?" (Nathan, p 123)

- "Comment Dieu aide-t-il Moïse?" (Hatier, p. 129)

3) celle, bien que générale, permettant de donner sens à ce récit :

- "Pourquoi...Moïse compte-t-il beaucoup dans la religion juive?" (Belin éd.2009)

Un questionnement sur l'évènementiel et le sens profond du texte est possible : "Qui parle? Qui agit? Qu'en résulte-t-il? En quoi cet épisode est important pour la religion juive?" Seuls quelques manuels présentent des extraits du livre de l'Exode offrant réponse à cette dernière question : "la libération du peuple hébreu de l'esclavage et la confirmation que leur dieu leur est fidèle" voir Belin éd.2009, Hatier, Lelivrescolaire, Nathan (p.123).

Notons par ailleurs que seul Magnard éd.2013 propose la question : "Quelle fête commémore la sortie des Hébreux d'Egypte?" (p.118)

Terminons par l'examen de Magnard éd.2009, page 121. Le passage de la mer Rouge est évoqué dans un tableau  comparant Bible et archéologie. A l'une des quatre questions : "Abraham et Moïse ont-ils existé?" :

- Dans le cadre, "ce que dit la Bible", on lit : "D'après la Bible, Moïse fait sortir les Hébreux d'Egypte et Abraham les conduit au pays de Canaan." (sic!)

 - Dans le cadre, "ce que dit l'historien", : " Il n'y a aucune preuve de leur existence. En revanche, des traces (habitat, poteries...) attestent de migrations de nomades entre l'Egypte et la Mésopotamie au II millénaire av. J.-C." 

Une question est liée à ce tableau : "Cite des éléments de l'histoire des Hébreux (personnages, guerres) qui sont racontés dans la Bible mais qui ne sont pas confirmés par les historiens." Cette lecture historico-critique, nécessaire par ailleurs, laisse ici craindre que l'élève sans aide de l'enseignant ne prenne en compte que le côté "savoir", le symbolique des évènements  étant occulté. L'exercice proposé n'a pas de signification profonde.

Nous saluons l'évolution positive de la nouvelle édition Magnard...tout en n'oubliant pas que les élèves ont majoritairement l'ancienne édition entre leurs mains.

4.3.2.2.3  Les Dix commandements

Plusieurs types de questions sont posées au texte de l'Exode présent dans tous les manuels - seul Hachette parle du Décalogue. Certaines coupures faites mutilent souvent le sens du texte. Peu de questions le mettent en valeur. 

- Celles centrées sur la croyance en un seul dieu, le monothéisme, se retrouvent dans tous les ouvrages sauf Hachette

-Celles proposant un tableau où l'élève est invité à distinguer les commandements envers Dieu et envers les hommes : Belin, p.119 ; Hatier, p.131 et Nathan, p.127.

-celle, peu ouverte, centrée uniquement sur les pratiques rituelles : Hachette, p.142.

- celle liant croyance et pratiques rituelles. Ainsi Hatier, p.131, offre une question qui incite à chercher du sens :" Pourquoi les juifs doivent-ils se reposer un jour par semaine?" L'élève développera sa réponse à partir du large extrait proposé - "le septième jour est celui du shabbat : tu ne feras aucun travail ce jour-là, car Dieu a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent en six jours, mais il s'est reposé le septième."

-celle très intéressante également liant le rôle de Josias - avec un extrait du Second livre des Rois, 22,8 et 23,1-5. -, dans la diffusion du monothéisme : voir Lelivrescolaire, page 122.

Ces questionnements sont inégaux. Deux remarques sont nécessaires pour tirer le meilleur du texte des Dix commandements. Premièrement, aucun manuel ne pose la question :"De quelle façon se présente Dieu?" La réponse donnerait un des fondements de la croyance des Hébreux. Deuxièmement, la dimension universelle de ces Dix commandements, de ce Décalogue, inspirateur de nombreux textes sur les droits humains n'est pas pointée. Un éditeur - Magnard éd.2009 - pose pourtant une question dans ce sens :"Cite les commandements qui interdisent la violence envers les hommes?"(125) L'édition suivante en donnera une version moins signifiante :"Quels sont les commandements qui font appel à la tolérance."(118).

En conclusion, les manuels ne permettent pas vraiment de mettre en exergue croyances, valeurs, lois et comportements religieux qui traversent les siècles au sein du judaïsme et qui, dans leur dimension universelle, ont inspiré, pour une bonne part, les valeurs, les lois sinon les comportements de notre vie au quotidien. L'occasion ici de faire un pont entre l'histoire, le français et l'éducation civique devrait être exploitée.

 4.4  Les pratiques du judaïsme

Une religion sans prières?...La dimension symbolique des pratiques fréquemment évacuée

Quand et comment ces pratiques se sont installées? Se poursuivent-elles aujourd'hui et quel sens gardent-elles?

Pour la première question, deux manuels notent la progressivité dans le temps des débuts du judaïsme : "Cette croyance en un seul Dieu s'est construite progressivement." (Hachette, p.142) ; "Les Hébreux deviennent progressivement monothéistes." (Lelivrescolaire, p.124). Hachette va plus loin; il propose, à la page 150, l'étude de l'épisode du veau d'or et questionne :"D'après cet épisode de la Bible, les Hébreux ont-ils toujours été monothéistes? Justifiez votre réponse."

Pour la seconde question - "Montrez que la religion est très présente dans la vie quotidienne des Juifs?" : questionne Hachette dans son dossier sur les croyances, règles et rites (p. 143) -, les manuels offrent des espaces très divers pour les différentes pratiques, règles, fêtes et lieux de culte. Lelivrescolaire et Magnard n'y accordent  que quelques lignes (p.128); ce dernier ajoute une photo de "rues de Jérusalem pendant la fête des cabanes (octobre 2008)" avec une légende explicative. Les cinq autres ouvrages  attribuent à ces pratiques une place importante et montrent un judaïsme toujours pratiqué. Belin (p.122), Bordas (p.123),  Hachette (p.143), Hatier (p.130), N (p.126)  présentent un tableau du calendrier juif avec le nom et la signification des différentes fêtes. L'importance du shabbat est plus particulièrement soulignée chez Belin (p.122), Bordas (p.123) et Hachette (p.142) avec un extrait du Lévitique.

Toujours avec un extrait du Lévitique, Belin (p.122), Bordas (p.123), Hatier (p.131), Hachette (p.142) et Nathan (p.127) évoquent les règles alimentaires. Toutefois aucun ne traite de la symbolique de ces règles, du permis et de l'interdit, du "pur" et de l'"impur". Belin éd. 2009 - 2013 (p.122) et Hatier sont les seuls à utiliser le terme "Kasher" dans une note, sans en préciser toutefois la signification.

La circoncision est présentée dans sa dimension symbolique, avec un extrait de la Genèse, seulement chez Bordas (p.123), Hachette (p.142) et  Hatier (p.131).

Les prières ne sont pratiquement pas évoquées en tant que telles. le terme psaume présent dans l'inventaire des livres de la Bible hébraïque n'est pas identifié à une prière. Belin éd.2009 propose un extrait du Psaume 137, "Si je t'oublie Jérusalem...", écrit au temps de l'exil à Babylone après 587 avant J.-C, prière -et pas simplement "poème" - qui exprime d'une manière incomparable les douleurs de l'exilé (p.125). On ne peut que regretter son absence de ce document d'une grande qualité littéraire et ouvrant à l'interdisciplinarité dans l'édition 2013. Seul Hatier présente en document "la principale prière juive : Chema Israël (Ecoute Israël!), Deutéronome, 6, 4."(p.132).

Globalement, on remarque une grande inégalité de traitement et une faible place accordée au symbolique concernant les pratiques du judaïsme dans l'histoire ou le présent. 

4.5  La diaspora

La diaspora ou les diasporas?

Tous les manuels présentent une carte avec une légende datant le phénomène de la diaspora au premier siècle de notre ère. Les axes de dispersion se dirigent vers le reste de l'empire romain et hors de celui-ci. C'est une image visuelle forte et à nuancer. Quelques textes d’auteurs présentent une diaspora qui s'est inscrite dans la durée sans pour autant préciser les raisons de cette dispersion qui ne sont pas toujours politiques. Bordas  précise :"à cause de cette histoire très mouvementée, les juifs se dispersent dès le VIIIème siècle av J.-C, à l'intérieur des grands empires (perse, grec, romain) auxquels ils sont soumis. C'est la diaspora. Ainsi, aux anciennes communautés juives d'Egypte (Alexandrie) et de Babylone s'ajoutent celles de Syrie, d'Asie mineure, de Grèce, de Rome." (p.124). Lelivrescolaire, au moment de l'exil à Babylone au VIe siècle avant J-C, parle d'"une première dispersion" (p.128). Magnard éd. 2009 (p.122 et 126) et éd. 2013 (p.116,122) parle de "première diaspora". Au moment de la destruction du second Temple - 70 ap JC -, Belin (122), Lelivrescolaire (129) et Nathan (124) parlent d'amplification ou de poursuite de la diaspora notant ainsi l'aspect rupture/continuité dans le phénomène de la diaspora. 

Signalons que Magnard éd. 2009 légende un pictogramme en forme d'étoile de David sur la carte sous le vocable "colonies juives"! (p.127) qui devient "importante communauté juive" - le nombre de celles-ci ayant diminué des 2/3! - dans l'édition 2013 (p.117). Ce pictogramme est-il vraiment approprié? Nous ne le pensons pas. Par ailleurs, trois éditions -Belin, Bordas et Lelivrescolaire - ont fait un bon choix pédagogique en cartographiant les sites des vestiges des synagogues antiques.

4.6  l'évolution du judaïsme à partir du premier siècle

Le judaïsme pluriel quasi absent 

Les manuels, en contradiction avec les recommandations officielles, n'offrent pas une contextualisation précise qui seule permet une compréhension juste de l'évolution du judaïsme au premier siècle.

Un seul manuel, Bordas présente brièvement les différents courants du judaïsme... mais dans la partie suivante traitant des "débuts du christianisme", dans un document titré "les trois écoles du judaïsme en Palestine", un extrait des Antiquités juives de Flavius Josèphe. On y apprend l'existence de : "trois écoles de croyance et des pratiques religieuses fort différentes...Les Pharisiens...Les Sadducéens sont peu nombreux et appartiennent à l'élite...Les Esséniens..." (p130).

Hatier cite un texte titré "la destruction du Temple (70 après J.-C)" qui parle de "la secte juive des zélotes" sans plus de précision (p.132). Magnard éd.2009 accorde une double page (p.128-129) à "La prise de la forteresse de Massada en 73 ap. J.-C. qui parle "révoltés juifs" sans parler de "zélotes" qui se recrutaient parmi toute la société juive.

Les manuels n'offrent pas de loin une contextualisation suffisante pour permettre de comprendre de qu'il advient de bouleversements culturels, religieux de la société juive sous l'angle rupture/continuité dans ce premier siècle de notre ère. Entrer dans un peu de complexité est indispensable. Est attendue une description du judaïsme pluriel qui doit faire face au premier siècle à cinq phénomènes :d'abord, un fort mouvement messianique qui traverse toute la société juive, puis des révoltes armées contre l'occupant romain suivie de la destruction du second Temple, d'une nouvelle dispersion des  Juifs de Palestine et de la naissance d'un judaïsme rabbinique enfin le développement d'un courant se réclamant de Jésus. L'argument du manque de place n'est pas recevable vu le constat fait de la relative faible pagination accordée par beaucoup d'éditeurs sur ce thème.

Ainsi, cet espace pourrait présenter les trois principaux courants religieux d'une société hiérarchisée : les Sadducéens, peu nombreux, responsables du culte du Temple de Jérusalem, ont un rôle politique important et collaborent avec l'occupant romain; les Pharisiens, les plus nombreux, veulent une application stricte de la Loi de Moïse et croient à la vie éternelle; les Esséniens vivent, dans le désert, en communautés et refusent le culte du Temple. Par ailleurs, un mouvement politique, les Zélotes, prône la lutte armée pour retrouver l'indépendance du royaume de Juda. Aussi, les révoltes de 70 et de 135 après J-C , l'échec des zélotes entrainent la disparition, non seulement des zélotes mais aussi des courants des Sadducéens et des Esséniens. Seul, le courant des Pharisiens, survivra et se développera.

Le culte se transforme avec les  constructions de nouvelles synagogues dirigées par des rabbins - ce que soulignent tous les manuels souvent par des documents iconographiques. Ce judaïsme rabbinique centré sur l'étude de la Torah, issu du mouvement pharisien aura des relations souvent - mais pas uniquement - conflictuelles avec un autre courant, apparu depuis peu, des Juifs se réclamant de Jésus, les judéo-chrétiens. Aucun manuel n'en fait mention.

A noter une utilisation curieuse d'un texte du Nouveau Testament par Hatier. Celui-ci souhaite présenter "le culte à la synagogue au 1er siècle après J.C" (p. 132). Le texte évoque d'une visite de "Ils", à la synagogue d'Antioche de Pisidie! Comment les élèves sauront-ils qu'il s'agit du rabbin juif Paul, celui qui deviendra l'acteur principal de la diffusion du christianisme. Occasion manquée de rappeler que les premiers chrétiens étaient - et ne pouvaient être que - des Juifs!

4.7 L'iconographie

Une vision souvent insuffisamment distanciée des textes bibliques

Nous avons déjà fait quelques commentaires sur des représentations diverses comme les cartes des diasporas. Nous poursuivons par les cartes du "trajet des Hébreux", les représentations diverses du Temple et quelques oeuvres d'art.

 4.7.1. Le trajet des Hébreux

Excepté chez Lelivrescolaire, Magnard éd.2009 et Nathan, les cartes "du trajet des Hébreux", "des déplacements des Hébreux, - "Le temps de l'errance" (Bordas, p.111) - sont présentes dans les différentes éditions. L'attrait de la carte avec ses couleurs, ses traits appuyés, et de la légende l'emporte très largement sur l'insertion de la mention "selon la Bible". Le risque est fort que le "trajet des Hébreux" apparaisse comme une réalité historique. Les légendes laissent aussi entendre que tout un peuple était constitué dès "- 1900 " avec une religion, le judaïsme. Nous sommes ici dans une vision non distanciée des textes bibliques et loin des dernières études bibliques, archéologiques et historiques (1).

Notons que la carte de la "route de l'exil" à Babylone( VI av. J.-C) est présente seulement dans deux éditions : Belin éd.2009 - 2013 (p.117).

       

 4.7.2 Le Temple de Jérusalem

 

Le Temple - ou les Temples - apparaît abondamment, dans tous les manuels, sous différentes représentations : plans, maquettes, oeuvres d'art et photos du "Mur des lamentations".

 

4.7.2.1  Les plans du Temple

 Trois éditions - Belin éd. 2009 et 2013(120), Bordas (p.120) - proposent un plan du Temple et commettent la même erreur en le légendant : "Le plan du temple de Salomon" dont on sait qu'il n'a jamais existé sous la forme décrite dans la Bible. A noter, par ailleurs, que seul Bordas accorde une double page - 120-121 - au "temple de Jérusalem" soulignant "la place qu'occupe le temple au début du judaïsme".

4.7.2.2  Les maquettes du Temple

Sept éditions - sauf Bordas et Magnard éd.2009 - proposent des maquettes ou des "reconstitutions" dont les libellés des légendes vont de l'historiquement juste ( on parle de reconstitution sans que Salomon soit nommé ) : - Belin éd.2009 et 2013 (p.125), Hatier (p.131), Lelivrescolaire (p.127) et Nathan (p.125) - à une vision non distanciée avec la légende suivante : "Le Temple de Salomon à Jérusalem, reconstitution d'après les descriptions de la Bible", Hachette (p.140). A noter que Belin 2013 et Lelivrescolaire précisent, à juste titre, qu'il s'agit du "second" Temple. A relever également qu'aucun des sept manuels ne désigne l'imposante forteresse Antonia, pourtant bien visible, surplombant l'angle nord-ouest du Temple, et symbole de la puissance - et de la crainte - des occupants romains. Enfin, on peut s'interroger sur le libellé de l'exercice proposé par Magnard éd.2013 - dans le cadre de la "Compétence 5: situer une oeuvre artistique dans le temps". Il s'agit d' "Etudier une reconstitution actuelle du Temple de Jérusalem "dont on oublie de préciser qu'elle se situe alors sur l'actuelle esplanade des mosquées. Il est d'ailleurs proposé à l'élève :"Rends-toi sur le site du musée d'Israël de Jérusalem..." (p.123)

4.7.2.3  le "Mur des lamentations"

Sept manuels sur neuf présentent une photographie du "Mur des Lamentations", dernier vestige du - des? - Temple de Jérusalem. Cinq le font en première page de ce thème. Choix pertinent. Cependant aucun cadrage ou aucune légende  n'est sans signification. Tous les clichés qu'ils soient pris en vue aérienne( Belin éd.2009, p.114, Lelivrescolaire, p.120 et Nathan, p.116) ou en plan plus serré ( Belin, éd.2013, p.114 ; Hatier, p.124 et Magnard éd.2009, p.128) laissent voir un proéminent et tout doré Dôme du rocher, lieu sacré de l'islam. Aucune légende n'en fait mention. Une autre édition, Bordas (p.121) choisit un plan serré excluant le Dôme du Rocher. Si la troisième religion monothéiste est au programme d'histoire de cinquième, l'étude d'extraits du Coran est au programme de français de sixième. Toujours dans la légende, ne serait-il pas juste d'expliquer l'origine de  l'appellation "Mur des Lamentations", désigné aussi "Mur occidental"? N'est-il pas préférable dans le contexte actuel du conflit israélo-palestinien  de désigner par une double dénomination " Mont du Temple / Esplanade des Mosquées " l'espace visible sur tous les clichés, quel que soit l'angle de vue? N'y a-t-il pas ici une forme d'évitement préjudiciable à la compréhension d'évènements dont les échos sont si présents dans les différents médias ...ou les cours de collège? Notre société est plurielle : ne serait-il pas  important de mentionner que Jérusalem est une ville sainte, à la fois, pour les juifs, les  chrétiens et les musulmans dans la légende commentant un tel cliché?

4.7.3 Quelques oeuvres d'art

 

"La main de Dieu..."

 

Dans l'étude des débuts de ce premier monothéisme, les élèves apprennent dans les Dix commandements le deuxième qui stipule : "Tu ne te feras pas d'idole..." (TOB. Exode, 20, 4.). Seuls deux manuels - Hachette (p.150) et Lelivrescolaire (p.125) - pointent l'interdit de la représentation de Dieu dans le judaïsme et ses raisons dans un exercice intitulé "Reconnaitre un passage de la Bible."

Les manuels montrent néanmoins de nombreux documents iconographiques qui présentent des images de la divinité. Hachette propose un excellent questionnement à partir de deux représentations d'un même thème, "Moïse recevant les tables de la Loi" : un "Dessin d'un manuscrit, XIIIe siècle." et un " Tableau de Marc Chagall, XXe siècle." qui permet une véritable étude esthétique et symbolique. Plusieurs éditions - Belin éd.2009-2013 (121), Bordas (116), Hatier (129) et Magnard éd.2013 (119) présentent la fresque de la synagogue de Doura Europos, Syrie, IIIe siècle où est représentée l'épisode de la traversée de la mer Rouge, avec deux mains descendant de la partie supérieure. Si ces mains sont désignées comme "la main de Dieu" -sauf chez Bordas et Hatier -, le lien n'est pas fait avec le deuxième commandement.

Un choix curieux d'une autre représentation du divin, toujours sans accompagnement pédagogique, chez Hatier (p.134) ; on y voit un "Détail du plafond de la chapelle Sixtine" où un cadrage "approprié" isole la main de Dieu et celle d'Adam.

Une maladresse à signaler dans cette partie consacrée au judaïsme. Il s'agit d'un tableau de Giordano Luca (1634-1705), David apportant l'Arche d'Alliance à Jérusalem où Dieu est représenté en magnifique vieillard barbu majestueusement habillé de blanc, planant au dessus de l'Arche d'Alliance, Magnard éd.2009 (p.133).

 

Citons pour finir quelques documents iconographiques remarquables par leur pertinence et leur exploitation pédagogique : "Du verre et de l'or pour le défunt", Belin éd.2013, p. 127 ; la double page - 126-127 - "Le Temple de Jérusalem", Lelivrescolaire et la double page - 120-121 - sur "La synagogue de Doura Europos", Magnard éd.2013.

 

(1) voir, en particulier, pour l'archéologie, les travaux d'Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, La Bible dévoilée,2002.

 

 

4.8 conclusion

 

"Vérité" du savoir et/ou "vérité" du croire?...

Dans cette étude des débuts du judaïsme, un seul manuel -Magnard éd.2009 - s'inscrit dans une optique historico-critique. Les autres ont cependant tendance à opposer le savoir au croire, le savoir étant privilégié par rapport au croire. Les modalisations énonciatives - conditionnels qui s'ajoutent aux restrictions - ex) sont parfois d'une prudence excessive et aboutissent à une certaine dévalorisation des récits reçus par les croyants comme porteurs d'un sens essentiel. Les "Ressources pour la classe" ne suggèrent-elles pas pourtant de prendre au sérieux l'étude "des mythes et croyances destinés à donner un sens à l' existence [des sociétés]?"(1)

De l'évitement (2)...et une nécessaire "revitalisation" (3)....

La majorité des manuels en reste à l'étude de la narrativité et de la littéralité - par ailleurs nécessaire - des textes et évacue le "symbolique"des faits religieux, ce qui leur donne leur sens et leur légitimité. Même remarque pour les oeuvres d'art. L'évitement est l'attitude dominante. La pagination souvent réduite ne permet pas des développements que ce sujet complexe demande.

Du point de vue du contenu historique, l'absence quasi générale d'une véritable contextualisation du judaïsme pluriel du premier siècle ne permet pas de comprendre ce qu'étaient les différentes composantes de la société juive de cette époque et l'évolution en forme de rupture/continuité qui la traverse. Et que penser de l'absence - excepté chez Hatier - de la principale prière juive, Chema Israël, quotidiennement récitée par un Juif pratiquant?    

Réécriture des textes officiels ...une priorité?...

On peut regretter que l'enseignement des faits religieux soit essentiellement programmé en France pour des élèves d'une douzaine d'années. Il serait souhaitable que les programmes des années suivantes leur permettent d'approfondir leurs connaissances et leurs "expériences humaines" dans ce domaine, par exemple en participant à des débats  dans des conditions garantissant liberté de conscience et d'expression.

(1) voir ci-dessus § 2 notre analyse du "socle commun", des programmes et des ressources pour la classe.

(2) ce terme recouvre une réalité et une question. Une réalité : une certaine "dévitalisation" des faits religieux dans les manuels. Une question : Parler des faits religieux peut être plus ou moins bien reçu par des élèves et/ou des parents d'élèves. Aussi, certains auteurs et/ou éditeurs n'auraient-ils pas choisi cette frilosité rédactionnelle pour éviter de mettre en difficulté des professeurs et/ou de permettre au manuel édité de garder ou conquérir un public plus large?

(3) Régis Debray, dans son livre cité plus haut, parle du risque de "dévitalisation du fait religieux".  

 

Claudine Charleux, Alain Merlet et Jean-Marc Noirot (synthèse).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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29 janvier 2014 3 29 /01 /janvier /2014 17:32

 

                                                  - issus des programmes de 2008

 

Première Partie    

 

 

1. Introduction : notre regard  

 

Quel regard porte le Réseau école laïcité religions sur les faits religieux dans les nouveaux manuels d’histoire de sixième sortis en 2009? Comme réponse, nous empruntons à Régis Debray un propos qu’il tient, page 30, dans son Rapport sur l’enseignement du fait religieux dans l’école laïque, paru en 2002 : " Les religions ont une histoire, mais ne sont pas que de l’histoire… Dire le contexte historique sans la spiritualité qui l’anime, c’est courir le risque de le dévitaliser. Dire, à l’inverse, la sagesse sans le contexte social qui l’a produite, c’est courir le risque de mystifier. La première abstraction fait l’entomologiste, sinon le musée Grévin. La seconde fait le gourou, sinon le Temple solaire. Il est parié ici sur une troisième voie, mais qui n’a rien de nouveau dans notre meilleure tradition scolaire, depuis un bon siècle : informer des faits pour en élaborer les significations."

L'enseignement des faits religieux ne peut se faire que dans le cadre d'une pédagogie ouverte et laïque, pédagogie qui postule création d'un espace où chacun, se sentant respecté (1), acquiert des connaissances, s'ouvre et réfléchit, seul et avec d'autres, à des propositions de valeurs et de conduites portées par des traditions philosophiques, spirituelles, religieuses diverses qui sont autant de "ressources de sagesse, de liberté, de lien" (2).  

 

Déconstruire les préjugés ...construire son propre jugement...pour favoriser le vivre ensemble

 

Parler des faits religieux implique donc la prise en compte de quelques questions d'ordre déontologique, didactique et pédagogique. Etant donné l'âge des élèves de sixième, cette dernière en est d'autant plus aigüe.

- Comment faire prendre conscience aux élèves de différents statuts de vérité, vérité de l'ordre du savoir et du contenu de connaissances, d'une part, vérité de l'ordre du croire et du contenu de foi, d'autre part, la première relevant de la recherche historique , la seconde de l'expérience spirituelle, vérités qui ne s'opposent pas mais ne sont pas du même ordre?

- Comment enseigner la pluralité des religions sans provoquer l'inquiétude des parents pour la construction de l'identité/l'appartenance religieuse/philosophique et/ou culturelle du jeune, et ce, dans le cadre d'une laïcité ouverte et respectueuse de tous?

- Comment, parlant des faits religieux, donner aux jeunes des outils pour décrypter les préjugés souvent véhiculés par l’environnement culturel au sens le plus large – la famille, la cour d’école, les médias…- ? Ces préjugés ne sont-ils pas sources de peurs, d'intégrismes multiformes et d'érosion de la vie démocratique ?

- Le contenu des manuels de sixième est-il en cohérence avec le "Socle commun des connaissances et des compétences", les programmes et les "Ressources pour faire la classe" (3)?

 

Une dernière remarque introductive : nos commentaires sur un thème aussi "sensible" se veulent d'abord et surtout des suggestions constructives  pour la confection des éditions de manuels ultérieures (4).

Nous nous proposons d'organiser cette étude selon le plan suivant :

1- faits religieux  dans le projet éducatif, "socle commun"

2- faits religieux  dans programmes et les "ressources pour faire la classe".

3- lexiques dans les manuels.

4- judaïsme

5- christianisme

6- bouddhisme

7- hindouisme.

 

(1) respect que préconisait déjà Jules Ferry dans sa "lettre aux instituteurs" le 17/11/1883.

(2) expression employée par Philippe Portier dans une conférence, "Où en est la laïcité à la française" le 5/02/2013 au Centre Sèvre à Paris.

(3) rédigés par la DGESCO-IGEN ( Direction générale de l'enseignement scolaire - Inspection générale de l'éducation nationale ) et consultables sur le site: eduscol.education.fr

(4) En 2009, six maisons d'éditions - Belin, Bordas, Hachette, Hatier, Magnard et Nathan - étaient en concurrence sur un marché important puisqu'il concerne plus de 600 000 élèves par classe d'âge. Le prix de chaque ouvrage riche en images est d'environ vingt euros, payés par le département - pour le lycée, c'est le budget de région qui est concerné. Une nouvelle maison d'édition Lelivrescolaire, apparue en 2010, sort pour la rentrée septembre 2013 un ouvrage pour la 6ème.

 

 

2. Faits religieux, "socle commun des connaissances et des compétences" et programmes

 

       2.1 Faits religieux et "socle commun des connaissances et des compétences" (1)

 

Un socle ouvert aux faits religieux

 

Le "Socle commun de connaissances et de compétences" définit les savoirs pour les différents niveaux de scolarité et les principales disciplines.

"La culture humaniste", cinquième des sept parties, "permet aux élèves d'acquérir tout à la fois le sens de la continuité et de la rupture, de l'identité et de l'altérité... (et) développe la conscience que les expériences humaines ont quelque chose d’universel". On repère dans cette compétences des indicateurs relatifs aux faits religieux. Parmi ceux-ci :

" * Avoir des repères historiques:

- les différentes périodes de l'humanité (les évènements fondateurs permettant de les situer les unes par rapport aux autres en mettant en  relation faits politiques, économiques, sociaux, culturels, religieux, scientifiques et techniques, littéraires et artistiques), ainsi que leurs ruptures...

  * Être préparés à partager une culture européenne:

- par la connaissances des textes majeurs de l'Antiquité (l'Iliade et l'Odyssée, récits de fondation de Rome, la Bible)...

  * Comprendre la complexité du monde par une première approche:...du fait religieux en France, en Europe et dans le monde en prenant appui sur des textes fondateurs (extraits de l'Ancien Testament, du Nouveau Testament, du Coran)...

Dans sa sixième partie, "Les compétences sociales et civiques", le socle stipule la mise en place"d'un véritable parcours civique de l'élève, constitué de valeurs, de savoirs, de pratiques et de comportements..." Nous retenons plus particulièrement, parmi "les connaissances", "le principe de laïcité", parmi les "compétences", " être capables de jugement et d'esprit critique; savoir construire son opinion personnelle et pouvoir la remettre en question, la nuancer (par la prise de conscience de la part d'affectivité, de l'influence de préjugés, de stéréotypes) et, parmi les "attitudes", "le respect de soi ;le respect des autres (civilité, tolérance, refus des préjugés et des stéréotypes) ...la volonté de résoudre pacifiquement les conflits ; la conscience que nul ne peut exister sans autrui..." Nous sommes surpris par le fait que la notion de valeur ne soit pas développée et que celle de laïcité soit réduite à une connaissance. L'absence de l'énoncé des valeurs  de la République, Liberté, Egalité, Fraternité étonne. La laïcité n'est-elle pas à présenter d'abord comme "un art de vivre ensemble" (Jean Bauberot)?

Comment ce socle, très ambitieux sous bien des aspects, peut-il être décliné dans les différentes disciplines, et en particulier en histoire et en éducation civique? Quelle interprétation en ont fait les rédacteurs des programmes et des ressources pour faire la classe"?

 

2.2  Faits religieux, programmes et ressources pour faire la classe

 

 

Des programmes ouverts aux faits religieux

 

     2.2.1 Le programme d'histoire de sixième

 

Une remarque générale : en regard des programmes d'histoire des autres classes du collège, celui de sixième est très dense en ce qui concerne les faits religieux. Une meilleure répartition sur l'ensemble du niveau collège serait souhaitable, par exemple, pour le judaïsme qui disparait en cinquième et quatrième pour ne réapparaitre qu'en troisième au moment de la Seconde guerre mondiale. Penser une écriture globale  des programmes d'histoire plus en lien avec ceux des autres disciplines, et en particulier l'éducation civique, permettrait aux élèves d'apprendre à déconstruire - comme l'invite aussi le socle commun - certains stéréotypes antisémites, islamophobes ou autres. 

Trois remarques plus particulières: la première concerne la place du judaïsme. Nous faisons nôtre la réflexion d'Anna Van de Kerchove :"La place du judaïsme dans le programme cause problème, les sources intellectuelles du judaïsme se trouvant en Mésopotamie et en Égypte. Placer le judaïsme après l’étude de l’Empire romain, c’est risquer de le couper de ses racines, c’est risquer aussi, en le présentant avant l’étude du christianisme, d’en faire sa simple préface et de laisser donc croire que le judaïsme est essentiellement « l’Ancien Testament »...S’il y a filiation, il n’y a pas de hiérarchisation."(2) 

Deuxièmement, un premier projet de rédaction du nouveau programme d'histoire en 2008 proposait d'étudier en sixième « les débuts de l'islam ». Il peut sembler regrettable que cette idée n'ait pas été retenue alors que les nouveaux programmes initient les élèves à l'étude des deux premiers monothéismes, du bouddhisme et de l'hindouisme. L'étude des « débuts de l'islam » reste finalement en cinquième au détriment d'une attente légitime des élèves musulmans de sixième. Placée en fin de programme de sixième, le risque était grand de ne pas être étudiée. Troisièmement, un changement peut-être positif, « les débuts du christianisme » qui, placés précédemment en fin de programme, étaient rarement traités, sont maintenant en meilleure position pour l'être.   

Reste une appréciation déjà évoquée: des programmes trop ambitieux, rarement terminés, où la tentation du survol peut être grande. 

Quelle interprétation l'Inspection générale fait-elle de ce programme? Les "ressources pour faire la classe" nous permettent de répondre à cette question.

 

      2.2.2 Les "Ressources pour faire la classe"

 

Nous passons en revue ici les "ressources pour la classe" directement liées à notre étude: "Expliquer la laïcité", "Pour une approche globale du programme d’histoire du collège", "les débuts du judaïsme et du christianisme", "Histoire-géographie et histoire des arts au collège". 

 

2.2.2.1 "Expliquer la laïcité".

 

Une vision défensive de la laïcité?!

 

"La laïcité est une notion difficile pour les élèves": dit en introduction ce document. "Elle n’est pas une négation du fait religieux.... Les nouveaux programmes d’histoire du collège montrent par les références faites à la diversité des cultures et des religions que la laïcité est respectueuse des appartenances culturelles des élèves. Un travail transversal sur certains thèmes pris dans plusieurs cultures, et éventuellement plusieurs disciplines, permet de l’appréhender. Les solutions adoptées pour garantir la pluralité des convictions au collège peuvent être analysées (pratiques alimentaires, temps dans la semaine pour une instruction religieuse en dehors des locaux de l’établissement, signes d’appartenance non ostentatoires, etc..). Cela permet d’introduire une distinction entre la liberté de conscience qui est entière et la liberté d’expression qui doit respecter la neutralité de l’établissement et de l’enseignement." 

A juste titre, le document se poursuit par la réflexion qu'un "enseignement de la laïcité demande d’aller plus loin qu’une description institutionnelle. En classe de 6e, il est important de faire comprendre ce qu’a de positif le fait d’avoir en commun un espace, le collège, qui accepte tous les élèves avec leurs différences et les fait travailler et agir ensemble. Apprendre à faire des choix raisonnés en écoutant les arguments des autres, donner des repères et apprendre les règles du débat sont des démarches pédagogiques essentielles pour faire de la laïcité une valeur vivante et qui mérite d’être défendue comme condition juridique de la liberté de conscience et d'opinion."

Ces propos sont teintés de beaucoup de prudence par la présence de termes comme "neutralité", "défense", "droit". La laïcité n'est pas vue d'abord - comme nous l'avons souligné supra - comme "un art de vivre ensemble" dans une société plurielle.

Parmi les documents "Ressources pour faire la classe" consacrés à l'éducation civique en 6ème, celui intitulé "le collégien" donne une place très importante à la laïcité qui "est également une pratique...(et) une forme de neutralité que chacun s'engage à respecter, à faire vivre au nom de l'égalité et d'une fraternité ouverte à tous." Mais qu'est-ce que la "neutralité" en matière d'éducation? Quels objectifs et moyens se donne-t-elle pour "garantir la liberté de conscience des enfants." L'esprit de ce texte semble présenter également une interprétation très peu ouverte par rapport aux objectifs énoncés dans le socle commun des connaissances et des compétences. 

 

2.2.2.2 "Pour une approche globale du programme d’histoire du collège"

 

"Des mythes et croyances destinés à donner un sens à l'existence des hommes"

 

"Les choix des programmes ... reposent sur des finalités et sur un itinéraire que le professeur doit avoir constamment à l’esprit pour pouvoir, dans la masse des faits historiques disponibles, faire le choix de ceux qui sont pertinents pour la formation intellectuelle et civique des élèves...( Les) sociétés sont abordées au travers du double prisme de la diversité(Orient ancien, Méditerranée gréco-romaine, premier moyen âge chrétien, altérité asiatique) et de l’identification de quelques grandes questions qui leur sont posées par leur organisation même : Quels efforts pour maîtriser le monde (vie matérielle, techniques et sciences) ? Quels efforts pour dire le monde (histoire des arts notamment) ? Quelle dévolution et quel fonctionnement du pouvoir, dans sa réalité et dans ses discours ? Quels mythes et croyances destinés à donner un sens à leur existence ? Ces questions ne sont pas isolées les unes des autres, selon les vieux schémas qui séparaient jadis des catégories mortes (religion, économie, société, politique, culture...). Elles sont en interférence, presque toujours présentes quel que soit l’angle d’attaque d’un sujet et elles interrogent ainsi la complexité de ces sociétés. L’ambition intellectuelle de cette approche est grande et serait hors de portée des élèves si elle n’était délibérément focalisée sur des exemples ou des cas sur lesquels chacune des études doit impérativement prendre appui pour être compréhensible..."

Cette citation est longue, mais éclaire les finalités d'un tel enseignement. Nous sommes plus particulièrement attentifs à quatre aspects de celui-ci: le lien fait entre la formation intellectuelle et la formation civique, l'accent mis sur l'histoire des arts, la place accordée à l'étude des mythes et des croyances et enfin l'approche globale d'une société qui implique d'entrer dans un minimum de complexité pour une réelle compréhension.

Une définition précise de "mythe" et "croyance" s'imposait ici. Nous en proposerons dans la partie suivante consacrée aux lexiques.

Plus loin, une mise en garde est faite par rapport au concept de "civilisations" (utilisé au pluriel et entre guillemets). "Il ne s'agit pas de construire des idéaux-types qui, implicitement pourvus d'une vertu de temps long sinon d'éternité, figeraient des communautés humaines dans des identités que l'actualité du monde contemporain risquerait de représenter comme nécessaires affrontées." Ne faut-il pas voir, dans ce propos, la critique implicite d'une pseudo-théorie du "choc des civilisations"(3) dont le postulat premier est de figer les identités individuelles en une entité collective unique. Si tel est le cas, pourquoi ne pas le dire d'autant plus qu'est explicitement évoqué le risque d'"affrontements" entre "communautés humaines"? Un propos moins elliptique serait le bienvenu.

Dernière remarque: ne convient-il pas de faire un lien explicite entre le programme d'histoire et celui d'éducation civique, de pointer leurs objectifs communs tels qu'ils sont libellés dans le socle commun comme " la tolérance, le refus des préjugés et des stéréotypes... la conscience que nul ne peut exister sans autrui."  

 

 

2.2.2.3 "Les débuts du judaïsme"

 

Contextualisation : entre le trop et le pas assez ...

 

Le document Ressources pour la classe insiste sur la distinction à faire entre "les faits et les récits mythiques." "L'objectif du cours d'histoire est, poursuit le texte, de repérer les conditions d'émergence de ces croyances dans l'histoire, leur développement en relation avec un contexte géopolitique, social et culturel donné et d'en comprendre le sens à travers les grands textes de la tradition qui fonde et refonde en permanence le judaïsme". Il est précisé que l'avènement du premier monothéisme s'est fait dans la longue durée.  Le phénomène de diaspora semble, dans ce document, daté du 1er siècle alors qu'il s'étend sur plusieurs siècles et a des causes principalement politiques mais pas seulement. Les historiens s'accordent pour dénombrer, au tournant de notre ère, autant de Juifs hors de Proche Orient qu'en Palestine même.

Le document présente également trois pièges à éviter. Nous pointons particulièrement le second: "Evacuer le contexte, comme si les Hébreux  puis les Juifs vivaient hors des tensions qui traversent la région aux différentes époques; inversement tout expliquer par le contexte appauvrirait la réflexion sur le judaïsme naissant." Deux remarques de nature différente peuvent être faites à propos de ces lignes. Tout d'abord, les rédacteurs de ce texte, conscients de la pluralité culturelle et religieuse de notre société, auraient pu ajouter que ce n'est pas ici seulement l'histoire du judaïsme naissant qui est concernée mais aussi celle du christianisme et, d'une manière indirecte, celle de l'islam. Ensuite, le contenu de cette citation n'est pas assez développé. Evacuer le contexte ouvre la voie à l'enseignement d'une histoire sainte, anhistorique, figée dont se nourrit tout fondamentaliste, quelque soit sa croyance. Tout expliquer par le contexte revient à établir une hiérarchie entre ce qui est de l'ordre de l'histoire et ce qui est de l'ordre de la croyance. Dans cette optique, pour un élève du collège - a fortiori de 6ème -, la vérité ne peut être que du côté de l'histoire. Il n'y aura pas seulement appauvrissement mais disparition de toute réflexion sur le judaïsme naissant et sur ces croyances.

 

2.2.2.4 "Les débuts du christianisme"

 

Quelques conseils et beaucoup de mises en garde...

 

Ce document Ressources pour la classe expose deux mises en garde. D'une part, "Il ne s'agit pas d'opposer schématiquement une histoire scientifique qui serait vraie à une histoire sainte qui ne le serait pas. " D'autre part, "Plutôt que de suivre un récit qui masque les contingences de l'histoire derrière un schéma providentiel (la Palestine du temps de Jésus, sa vie puis son message, la diffusion et le triomphe de la nouvelle religion), le professeur est invité à partir de l'apparition de communautés chrétiennes, au travers de textes et de sources archéologiques." On retrouve ici le principe d'une contextualisation au service de la compréhension d'un fait religieux.

Le texte présente ensuite quelques problématiques: "l'élaboration de la nouvelle religion"; "de la persécution au succès"; "de l'Eglise des communautés à l'Eglise institutionnelle." La troisième problématique est la plus pertinente, de notre point de vue, car elle pointe l'écart entre la vie des premiers chrétiens au plus près des enseignements de Jésus et l'attitude de la hiérarchie (ou des) au IV siècle composant avec le pouvoir politique. L'étude des "éléments de récits fondateurs de la doctrine chrétienne" - conseillée par ce document - permettra de mesurer la distance entre les principes d'une religion et l'interprétation (ou les) que les hommes en font dans leurs applications. Dans le même ordre d'idée, il n'est pas dit que le terme "succès" (du christianisme) employé dans une des problématiques ci-dessus soit le plus pertinent.

Parmi "les pièges à éviter dans la mise en oeuvre",on lit: "Entrer dans le débat sur les croyances elles-mêmes". Cette mise en garde n'apparaît pas dans le document sur "les débuts du judaïsme.

  

2.2.2.5  "L'histoire des arts au collège"

 

Quelle part faite au symbolique?

 

"L'histoire des arts est un enseignement nouveau, "un enseignement de culture artistique partagée", sans équivalent et sans précédent." est-il dit en exergue de ce document "ressources pour faire la classe". Cet enseignement, lit-on plus loin, a pour but "de permettre aux élèves de mettre en cohérence des savoirs pour mieux cerner la beauté et les sens des oeuvres artistiques et le lien avec la société qui les porte." C'est un enseignement "transdisciplinaire mais inscrit dans les pratiques disciplinaires": est-il préciser plus loin.

Toutefois, le reste du texte n'est que conseils pour une approchetechnique et descriptive. Rien sur l'apprentissage de l'expression orale et écrite décodant les émotions, sur une éventuelle dimension symbolique des oeuvres, sur un possible débat, dument géré, dans une écoute respectueuse des consciences, des opinions, des convictions. L'enseignant sans formation restera bien démuni après la lecture de ces deux pages non complétées par une bibliographie.

 

2.3 Quelques remarques générales et propositions

 

Un minimum de complexité...pour "développer la conscience que les expériences humaines ont quelque chose d’universel".

 

De notre point de vue, est nécessaire une (ré)écriture du "Socle commun des connaissances, des compétences" (4), des programmes et des "ressources pour faire la classe au collège", à la fois plus cohérente et toujours ouverte à l'enseignement des faits religieux. Ce dernier pourrait prendre, in fine, la forme d'une étude comparée des grandes traditions philosophiques et religieuses. Celle-ci serait reprise les années suivantes à différents stades de construction , à la fois, de l'identité personnelle de l'élève faite d'appartenances multiples, et de sa pensée critique. Cette étude permettrait, dans le cadre d'une pédagogie laïque, respectueuse des consciences et des convictions, de souligner les points communs de ces "apports civilisationnels" que sont les grandes traditions religieuses présentes en France et de déconstruire bien des préjugés véhiculés par des idéologies intégristes refusant la liberté de conscience, de croire ou de ne pas croire, le dialogue des cultures et la fraternité. Un enseignement disciplinaire non haché en histoire et une interdisciplinarité effective sont nécessaires. Le caractère complexe des faits religieux ne doit pas engendrer la tentation d'un enseignement superficiel. Entrer dans un minimum de complexité permet de donner les éléments de compréhension indispensables pour aiguiser la curiosité de l'élève, pour que celui-ci "développe la conscience que les expériences humaines ont quelque chose d’universel"(5). Les rédacteurs des futurs programmes doivent tourner le dos à l'encyclopédisme élitiste et se recentrer sur les objectifs éducatifs et pédagogiques.

 

     (1) Le socle commun des connaissances et des compétences rédigé par le ministère de l'Education, les programmes et les ressources pour la classe publiées par la Direction générale de l'enseignement scolaire et l'Inspection générale (DGESCO-IGEN) sont consultables sur le site: eduscol.education.fr

    (2) consulter le site de l'Institut européen en sciences des religions : www.iesr.ephe.sorbonne.fr/ ressources/ fiches pédagogiques. 

   (3) Samuel Huntington, Le Choc des civilisations, éd. Odile Jacob, 1997.

   (4) Le ministre Vincent Peillon propose une nouvelle formulation: "Socle commun des connaissances, des compétences et des cultures" (11 mars 2013).

   (5) in socle commun, compétence 5 : " la culture humaniste".

 

 

3. Les lexiques

 

Des mots-clés absents, des définitions très imprécises et/ou ambigües

 

L'élaboration des chapitres concernant les faits religieux présente de sérieuses contraintes et de nombreux défis. L'analyse des programmes, la prise en compte des résultats récents, controversés de la recherche, ne rendent pas la tâche aisée aux auteurs de manuels. Les rédacteurs de ces lignes en sont bien conscients.

L'étude des lexiques des manuels, compte tenu de l'âge des élèves de sixième (11-12ans), demande, à la fois, d'entrer dans les concepts d’une manière précise et concrète et de ne pas perdre de vue leur nécessaire généralisation. C’est cette exigence qui permet à l’élève une ouverture d'esprit et un certain décentrage par rapport à lui-même, à sa famille, à son appartenance religieuse ou non.

 

Trois remarques préliminaires, sur la forme et sur le fond, en ce qui concerne la présentation des lexiques dans les manuels :

Premièrement, les éditeurs se distinguent en fonction de l'interaction pédagogique qu'ils souhaitent entre contenu du manuel et lexique. Magnard mentionne simplement le mot et la page où le terme est défini. Belin, Bordas, Hatier et Lelivrescolaire donnent le mot et la définition. Hachette et Nathan proposent mot, définition et page où le terme est employé. Notre préférence va au dernier groupe.

Deuxièmement, compte tenu du programme, les lexiques accordent une place importante aux définitions relevant du champ religieux: entre 33 et 54 selon les sept éditeurs. Dans un lexique, la présence ou l'absence de telle ou telle notion est révélatrice. Le contenu d'une définition peut être précis ou non, ambigüe ou non.

En dernier lieu, si nombre de définitions n'appellent aucune remarque de notre part, certaines, et non des moindres, nécessitent, de notre point de vue, des commentaires critiques. Trois peuvent être faits , tout d'abord, sur les notions générales, ensuite, sur la rareté ou l'absence de certaines définitions et, enfin, sur l'imprécision et/ou l'ambiguïté d'autres notions fréquemment présentes dans les lexiques.

 

      3.1. Les notions générales

 

Quatre notions générales comme civilisation, culture, mythe et religion sont d'un usage très fréquent dans les manuels. Leur présence pour la raison rappelée plus haut s'imposerait dans les lexiques. Quatre surprises nous attendent :

Civilisation : le terme de civilisation est présent seulement dans les lexiques de trois manuels sur huit - Belin, Hatier et Lelivrescolaire -, chaque définition incluant d'ailleurs fort justement la sphère religieuse. Celle de Belin nous semble parfaitement adaptée à des élèves de sixième : "l'ensemble des réalisations (culturelles, religieuses, scientifiques...) qui caractérise un peuple."

Culture : Seul, Lelivrescolaire définit le mot culture. Il le relie au mot civilisation et le présente comme une de ses composantes.

Religion : le mot religion n'est défini qu'une seule fois et d’ailleurs d’une manière satisfaisante :"ensemble des croyances et des pratiques qui fondent les rapports entre les hommes, d'une part, et une ou des divinités, d'autre part."(Belin). Cette simple définition permet déjà par elle-même de favoriser une certaine ouverture d’esprit: les croyants peuvent y gagner en tolérance à l'égard des autres religions, les non-croyants accéder ainsi à une meilleure compréhension de l'histoire des faits religieux.

 

Mythe : En revanche, la notion générale de mythe est définie dans tous les manuels - sauf Lelivrescolaire - : " récit imaginaire des aventures d'un dieu ou d'un héros." Un seul ouvrage - Hatier - précise qu'il s'agit de la définition du mythe grec. Or le programme aborde d'autres récits mythiques qui demandent un affinement de ce concept complexe de mythe. Ce dernier ouvre à un certain type de savoirs, de connaissances qui permettent d'accéder à des représentations du monde, des cosmogonies, des anthropologies, entre savoir et croire. Dans une pédagogie laïque et respectueuse de toutes religions ou convictions, l'étude d'un mythe ne peut exclure l’offre de sens que contient un récit, qu'il appartienne à la mythologie grecque, germanique...ou aux textes fondateurs des religions monothéistes ou non (cf. le Déluge, la Tour de Babel...). La dimension structurante, éclairante des mythes ne peut être gommée. Les nombreux et beaux mythes platoniciens sont là pour rappeler qu’ils peuvent avoir une vertu philosophique.

A côté de la définition de mythe grec présente dans les lexiques, nous souhaitons celle de mythe dont nous proposons la définition suivante:

Mythe: récit imaginaire qui est une proposition de sens, de réponse aux grandes questions que se posent les hommes de tous les continents sur l'origine du monde, son devenir...

 

      3.2. Rareté ou absence de définitions

 

Alliance : deux éditions - Lelivrescolaire et Magnard - la définissent, et ce, d'une manière précise.

Bible : le mot bible sans précision d'adjectif est absent des lexiques de cinq éditions. Lelivrescolaire donne seulement la définition (tautologique) de "Bible hébraïque : le livre sacré du judaïsme."

Seules deux éditions, Belin et Hatier, présentent à la fois "bible hébraïque" et "bible chrétienne". Chez Belin, la définition n'ajoute pas plus de contenu tangible que dans le Lelivrescolaire en posant l'équation: "bible hébraïque : livre sacré des juifs." Le contenu est beaucoup plus précis chez Hatier: "le livre sacré des juifs dans lequel ils trouvent des récits sur les débuts de leur histoire, des éléments de leur croyances et les règles religieuses et morales qu'ils doivent respecter."

Pour la définition de "bible chrétienne", les deux éditions donnent à peu près les mêmes  définitions: "livre sacré des chrétiens", ce qui n'ajoute rien. Nous proposons : "La bible chrétienne comprend la bible hébraïque, plus quelques livres, appelée Ancien Testament, auxquels s'ajoutent les quatre évangiles (et d'autres livres) appelés Nouveau Testament.

Christianisme : Seuls, deux manuels proposent une définition d'ailleurs voisine: "religion fondée sur la vie", avec la variante finale suivante : "et les enseignements de Jésus-Christ" (Bordas) " et le message de Jésus" (Lelivrescolaire)", ce qui nous semble meilleur (cf. définition de Christ ci-dessous).

Circoncision : Trois éditions seulement - Bordas, Hatier et Magnard - en donnent une définition.

Incarnation : seul Lelivrescolaire en donne une définition, restreinte à l'hindouisme.

Définition proposée : pour les chrétiens, Dieu s'est fait homme en Jésus-Christ.

Judée : seul Hachette donne une définition :"nom donné à l'ancien royaume de Juda après le retour des Hébreux de leur exil à Babylone."

Mystère : mot absent des neuf lexiques.

Définition proposée : vérité religieuse éclairée par la révélation et non par la raison.

Nouveau Testament : Bordas est le seul à donner une définition.

Palestine : le territoire au quel se réfère ce mot a évolué au cours de l'histoire. Deux manuels - Hachette et Hatier définissent ce terme. Le premier donne la définition la plus précise : "nom donnée à la province romaine de Judée après 135."

Prière : terme absent des lexiques.

Définition proposée : "pour un croyant, prier c'est s'adresser à Dieu."

Réincarnation : deux manuels seulement - Hatier et Nathan - en donnent une définition, la plus satisfaisante, de notre point de vue, étant celle de Nathan :"croyance des hindous selon laquelle l'homme est appelé à avoir plusieurs vies sur terre."

Révélation : absent des lexiques alors que les deux religions monothéistes au programme de sixième se présentent comme des religions révélées.

Définition proposée : dévoilement d’une vérité présentée comme d'origine divine.

Résurrection : définition présente chez deux éditeurs seulement - Hatier et Magnard -, avec le sens banal de "retour à la vie après la mort". Pour les croyants, la résurrection est l'accès à une vie qui échappe à la mort 

Rite : n'apparaît qu'une fois: "ensemble des règles qui organisent les cérémonies religieuses." (Hachette)

.

     3.3. Imprécision et ambiguïté de définitions

  

Chrétien : Trois définitions précises : "Personne qui  croit que Jésus est le Fils de Dieu et le Christ ou Messie" (Livrescolaire). "Personne qui croit en la résurrection de Jésus-Christ." (Hatier et Magnard)

Christ : la définition est présente dans trois manuels - Belin, Hachette et Hatier -: "signifie "messie" en grec". Aucune n'y associe le nom de Jésus! Définition proposée : "nom donné par les chrétiens à Jésus après sa résurrection".

Communion - eucharistie chez Magnard - : Bordas et Lelivrescolaire n'incluent pas ce mot dans leur lexique. Les définitions données par les manuels se divisent en deux groupes:

- le premier - Belin, Hachette - réduit la communion à un simple acte de mémoire: "partage du pain et du vin en souvenir de la Cène, dernier repas de Jésus avec ses apôtres."

- le second - Hatier, Magnard et Nathan - inscrit cet acte implicitement dans le présent. Pour nous, la plus juste est celle de Hatier: "le fait de partager le pain et le vin qui, consacrés, sont, pour les chrétiens, le corps et le sang du Christ."

Diaspora : communautés juives établies hors "de Palestine" pour Belin, Bordas et Hatier, "de Judée" pour Hachette, "du Proche Orient" pour Lelivrescolaire, "du pays de Canaan" pour Magnard. Nathan donne comme définition:" mot grec signifiant "dispersion" d'un peuple", ce qui est plus conforme, à la fois, à l'étymologie et à l'extension prise par le mot aujourd'hui.

Evangile : tous les manuels comportent une définition du mot, Magnard en ayant ajouté une dans sa dernière édition de 2013. Sauf Magnard, ils en donnent le sens en grec, "bonne nouvelle". Hachette et Hatier réduisent la définition au récit du "message" de Jésus. Les autres parlent plus justement " de la vie et du message - ou des enseignements - de Jésus." Magnard a eu l'heureuse idée d'employer le mot au pluriel et de citer le nom des quatre évangélistes - Matthieu, Marc, Luc et Jean. Les évangiles ne sont jamais situés dans aucune édition comme faisant partie du Nouveau Testament (cf définition de bible chrétienne).

Judaïsme: le terme est absent des lexiques Belin et Bordas. Pour Hachette :   "religion des Hébreux et des Juifs". Pour Hatier: "la religion des juifs". Pour Lelivrescolaire: "religion des Hébreux que l'on appelle ensuite les Juifs". Pour Magnard: "religion des Juifs." La définition de Hachette s'ajuste à la période historique étudiée. Celles du Livrescolaire et de Magnard en orthographiant Juifs avec majuscule, à la différence de Hatier, ne contredisent-elles pas l'usage: une minuscule pour les adeptes d'une religion et une majuscule pour ceux qui font partie d'un peuple?

Nathan propose une définition nuancée: "mot désignant la religion, la culture et la manière de vivre des Juifs."

Juif : Sauf chez Bordas, ce terme est défini. Tous le rapportent au contexte historique du programme. Hatier rappelle un usage: "le mot juif écrit avec une minuscule désigne les pratiquants du judaïsme."Magnard ajoute à la définition historique: "Désigne aujourd'hui les personnes de religion et de culture juives."

Messie: les manuels donnent de messie des définitions incomplètes. Belin est imprécis: " envoyé de Dieu, en hébreu. Le mot se dit "Christ" en grec." Hachette, Hatier, Magnard et Nathan  donnent une définition limitée au judaïsme et parlent d'"un envoyé de Dieu qui doit restaurer le royaume d'Israël" ou "diriger le peuple juif". Belin et Lelivrescolaire sont imprécis : " envoyé de Dieu, en hébreu. Le mot se dit "Christ" en grec.". Bordas s'en tient à la conception chrétienne: "(de l'hébreu messiah, en grec, Kristos , le Christ): désigne "l'envoyé de Dieu pour sauver les hommes".

Pour le mot messie, deux définitions s'imposent donc, une pour le judaïsme, une autre pour le christianisme, qui ont un point commun : envoyé de Dieu avec une mission religieuse. Mais le messie attendu par les juifs doit avoir un rôle de libérateur et de sauveur. Pour les chrétiens, il s’est incarné en Jésus-Christ.

Parabole : mot absent des lexiques de Belin, Bordas, Hachette, Lelivrescolaire et Magnard édition 2013 alors que ces manuels - sauf Bordas -, présentent ou illustrent un exemple de parabole. Comment les élèves pourront-ils répondre à la question :"Par quel type de récit Jésus transmet-il ses idées?" (Lelivrescolaire, p 137). On est privé ainsi d'un  travail interdisciplinaire avec le Français où le récit a une telle importance en classe de sixième. (On trouve, d'ailleurs, une définition de parabole dans le lexique de Magnard de Français sixième.) Nous proposons comme définition : "histoire imagée, tirée de la vie quotidienne, destinée à transmettre un enseignement moral et donner un sens à la vie."

Prophète: trois ouvrages - Belin, Bordas et Lelivrescolaire - ne définissent pas ce terme. Pour Hatier, Hachette et Magnard qui adoptent le point de vue d'un croyant, c'est un: "homme chargé de transmettre la parole de Dieu". Hachette se démarque, de ce point de vue, par un recul énonciatif : "personne qui affirme parler au nom de Dieu." Nous proposons : "pour une personne croyante, homme chargé de transmettre la parole de Dieu".

 

 

     3. 4  Conclusion

 

L'analyse des lexiques des neuf manuels des sept éditeurs révèle des lacunes importantes ; trois mots-clés sont absents : mystère, prière, révélation; d'autres ne sont présents qu'une fois: incarnation, Nouveau Testament, religion, rite, ou deux fois : alliance, réincarnation, résurrection. Certaines définitions sont très imprécises et/ou ambigües : Bible, Christ, incarnation, Messie, mythe, parabole, résurrection. Autant de carences que, dans un contexte d'inculture religieuse, l'enseignant peinera à rectifier et qui rendront plus difficile pour les élèves l'acquisition d'un savoir sur les faits religieux et la déconstruction de préjugés sources de peurs.

 

Des définitions claires, précises et respectueuses de la pluralité des élèves doivent fonctionner, dans certains cas, comme des rappels de termes déjà vus au niveau primaire, dans d'autres cas, comme autant d'éléments pour des échanges interdisciplinaires, et, d'une manière générale, comme des notions-clés pour la construction d'une conscience ouverte au pluralisme et au dialogue dans une société démocratique.

 

 

Claudine Charleux, Alain Merlet et Jean-Marc Noirot (synthèse).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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