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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 10:00

 

Manuels de Troisième - Histoire. 2012. 

(Programme 2008)

 

 

Des contenus en partie desservis par les programmes, des améliorations possibles…

 

 

Sommaire:

 

1.  Introduction

2.  Etude des lexiques

3.  Racisme, antisémitisme et nazisme

4.  Antisémitisme et régime de Vichy

5.  Racismes et nationalismes

6.  Culte de la personnalité et stalinisme

7.  Culte de la personnalité et nazisme

8.  Terrorisme et religions

9.  Arts et totalitarismes

10. Conclusion

 

1. INTRODUCTION

"Pourquoi de telles tueries au XXe siècle?", "Pourquoi cette haine des Juifs  en plein XXe siècle?", "Hitler était-il chrétien?", "Pourquoi toute cette violence au nom de la religion au XXIe siècle?": ces questions d'élèves sont- elles abordées franchement dans les manuels de troisième des collèges d'histoire-géographie issus des programmes parus au Bulletin officiel du 26 août de 2008?

Le contenu des manuels est-il en cohérence avec les programmes et les compétences du Socle commun édictés par le Ministère de l'Education: exemple, "mobiliser ses connaissances pour donner du sens à l'actualité"(1)?

Deux thèmes, opposés à notre conception de la laïcité, ont particulièrement retenu notre attention : d'une part, un racisme multiforme et d'une violence inégalée, et, d'autre part, la mise en place systématique de cultes de la personnalité au sens propre du terme.

Un mot sur notre méthodologie. Pour certains thèmes, nous avons choisi de dissocier, l'étude des images et celle des textes, sachant que ce choix comporte des avantages - faire une étude comparative d'un thème dans les sept manuels, en ce qui concerne les images, puis en ce qui concerne les textes -, et des inconvénients que nous essaierons de pallier en n’oubliant pas, dans nos commentaires, le contexte pédagogique choisi par les auteurs de chaque manuel.

(1) Programmes et compétences du Socle commun des connaissances sont consultables sur le site: eduscol.education.fr

Du point de vue de Récolarel (Réseau école laïcité religions), Le nouveau programme d’histoire de troisième est d’une densité impressionnante. Il multiplie les points de vue dans l’espace et dans le temps, balaie l’ensemble du siècle dans chacun des deux  premiers chapitres, puis l’histoire mondiale de 1914 au 11 septembre 2001, enfin la France à partir de Verdun. Sa faisabilité  et sa cohérence avec les compétences du Socle commun des connaissances peuvent être mises en doute.

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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 09:59

2. LES LEXIQUES

 

Définitions: fréquentes imprécisions, ambigüités ou absences.

 Les programmes - objets de critiques souvent justifiées -ne font pas explicitement mention de laïcité et de "faits religieux". Cependant, la lecture des manuels et de leurs lexiques montre que la laïcité y est présente "en creux". Quant aux faits religieux, ceux-ci le sont de deux manières, rarement en tant que tels, le plus souvent, dans une version instrumentalisée par la sphère politique, par les totalitarismes en particulier.

Dans les lexiques, quelques  définitions appartiennent au champ religieux: entre 12 et 23 selon les sept éditions. Le contenu de chaque définition est à étudier, la présence ou l'absence de telle ou telle définition révélatrice.

 Quelques exemples:

Al-Qaïda: terme présent dans quatre lexiques sur sept: Belin, Bordas, Hatier et Nathan. Si Bordas en donne une définition insuffisante: "Mouvement terroriste créé par Ben Laden.", les trois autres parlent d' "Organisation terroriste islamiste", ce dernier adjectif prêtant à de nombreuses connotations. Nous proposons: "Organisation terroriste qui instrumentalise l'islam et le coran en les interprétant de façon à justifier l'utilisation de la violence."

 Antisémitisme: présent dans six lexiques. La grande différence de contenu des définitions proposées questionne : de l'imprécision avec "haine des Juifs" (Hachette, Nathan), "haine à l'encontre des juifs" (Hatier), "haine à l'égard des Juifs" (Magnard) ou "racisme envers les Juifs"(Lelivrescolaire), on passe, chez Belin, à une définition suffisamment précise qui sert de support à une dénonciation :"doctrine et pratique racistes dirigées contre les juifs".

Aryen: Première surprise: le terme n'est présent que dans trois lexiques.  La seconde vient de l'imprécision et de l'ambigüité des termes employés pour la définition. Chez Nathan:" "excellent, noble",  terme utilisé par les nazis pour désigner la "race supérieure" dont les Allemands font partie", l'utilisation des guillemets sans commentaire  pour le terme "race supérieure" et l'usage du présent rendent cette définition très ambigüe. La définition de Hachette suggère, elle, une condamnation explicite: "Race inventée par les théoriciens racistes..."

Culte de la personnalité : six manuels présentent, dans leur lexique, ce terme. "Pratiques diverses (éloges, diffusion de portraits, etc.) qui poussent à considérer un homme comme un héros, un surhomme" (Lelivrescolaire) et "exaltation de la personnalité d'un dirigeant, qui devient un modèle pour tous."(Bordas) sont des définitions qui n'exploitent pas la métaphore contenue dans le mot "culte". Ce culte, qui correspond au désir de la sphère politique d'instrumentaliser la sphère religieuse et/ou d'en mimer les modes d'expression et les rites à des fins d'adhésion, est bien précisé par les définitions chez Hatier et Nathan: "ensemble de rites pratiqués autour d'une personne assimilée à une divinité" - le terme "rite" étant élargi à une dimension profane. Bonne définition également chez Belin: "adoration d'un chef organisée par la propagande."

Eugénisme: Lelivrescolaire le définit comme "l'ensemble des méthodes et pratiques visant à modifier l'espèce humaine sous prétexte de l'améliorer."  La présence de ce terme dans un seul manuel  surprend pour deux raisons, l'une, directement liée au programme et à la barbarie nazie, l'autre, concernant les actuels débats de société qui peuvent être abordés en éducation civique, entre autres.

Génocide: présent dans tous les lexiques. La meilleure définition, car la plus précise, se trouve chez Nathan: « terme adopté par l'ONU en 1948 pour qualifier la destruction préméditée et méthodique de tout ou partie d'une population, en raison de son appartenance nationale, ethnique ou religieuse. »

Intégrisme: terme absent des lexiques. Il serait pourtant fort utile, pour être en cohérence avec la compétence 5 du socle, que les élèves sachent que l'intégrisme est une doctrine religieuse ou politique qui fait une interprétation unique et exclusive de textes ou principes fondateurs, s'opposant ainsi au pluralisme.

Islamisme: mot présent dans cinq lexiques. Bordas Hatier, Lelivrescolaire et Nathan le définissent comme une idéologie politique selon laquelle l'islam doit être à la base des institutions et de l'organisation de la vie sociale d'un pays. Hatier ajoute: "il rejette les valeurs occidentales", phrase qui en dit trop ou pas assez.

Il serait juste d'apporter des éléments de clarification indispensable pour un terme chargé de nombreuses connotations. Belin le fait, à la page 136, en distinguant islam -"ensemble de croyances et des pratiques de la religion musulmane" - et islamisme - "idéologie et mouvement politique qui milite pour la mise en place d'un Etat et d'une société fondés sur le Coran et la Charia, la loi islamique inspirée du Coran". Nous proposons d'ajouter que l'islamisme, forme intégriste de l'islam, refuse la liberté de conscience, la liberté d'opinion et d'expression, la liberté de croire autrement ou de ne pas croire, la liberté de changer de religion, le  pluralisme démocratique.

Milice: définition présente dans tous les manuels. La création d'une organisation paramilitaire par le régime de Vichy et son objectif principal de traque des résistants et des Juifs sont précisés.

Nationalisme: terme très étonnamment absent de six lexiques sur sept alors que son usage, très fréquent dans les manuels, est un mot-clé pour comprendre les tragédies du siècle dernier. Le seul qui le définit – Nathan - en donne deux définitions qu'on ne retrouve pas dans le lexique: "croyance en la supériorité de la nation." dans le chapitre, "le régime nazi" (p. 56), "volonté de former une nation indépendante." dans le chapitre, "vers la fin de la guerre froide"(p. 92). 

Patriotisme: Comme pour le mot ci-dessus, terme très étonnamment absent de six lexiques sur sept alors que ce concept est un mot-clé pour comprendre les tragédies du siècle dernier, en particulier la Première Guerre mondiale. Hachette le définit comme le "sentiment d'amour et de dévouement pour sa patrie, son pays."

Pluralisme: mot absent des sept lexiques. Principe qui reconnait la diversité des opinions et des personnes

Purification ethnique ou épuration ethnique: terme présent dans le lexique de seulement deux manuels -Hachette et Lelivrescolaire -, le premier en donnant une définition plus concrète: " actions politiques et militaires visant à expulser un peuple d'un territoire (déportation) ou à l'exterminer (génocide).

Racisme: mot absent des lexiques!... Pour l'histoire, l'éducation civique et au-delà, le rappel d'une telle définition semble pourtant évidente. Celui de la signification de la racine du mot ne l'est pas moins:

    -racisme: Idéologie fondée sur la croyance qu'il existe une hiérarchie entre les groupes humains, les « races » ; comportement inspiré par cette idéologie.(Larousse)

    -"race": Catégorie de classement de l'espèce humaine selon des critères morphologiques ou culturels, sans aucune base scientifique et dont l'emploi est au fondement des divers racismes et de leurs pratiques.(Larousse)

Régime totalitaire: mot présent dans seulement cinq lexiques. Il est défini comme un régime politique dans lequel l'Etat, par un ensemble de moyens (parti unique, propagande embrigadement, terreur ...), cherche à contrôler totalement la société... "et à avoir son adhésion" (Lelivrescolaire).Cet ajout, de notre point de vue, est essentiel pour comprendre  les causes de l'adhésion - ou de non adhésion - de tout ou partie de la population aux processus de manipulation, un degré minimum d'adhésion étant nécessaire pour l'avènement et le maintien d'un tel régime.

Shoah: définition présente dans cinq lexiques. Celle du Lelivrescolaire est la plus précise:" de l'hébreu, signifie "catastrophe". Fréquemment utilisé en France depuis le film de C.Lanzmann(Shoah, 1985) pour désigner l'assassinat des Juifs d'Europe."

 "Solution finale": les définitions présentes dans cinq lexiques ne suscitent pas de commentaire de notre part, excepté le fait que ce terme apparaît sans guillemet dans les lexiques Bordas, Lelivrescolaire et Magnard. Le début de la banalisation de l'inacceptable peut se loger dans les mots, leur(s) contenu(s) comme leurs présentations. Dans le même ordre d'idées, l'usage de la majuscule pour Juif quand le terme désigne le peuple n'est pas toujours respecté.

Terrorisme: définition présente dans trois lexiques: Hachette, Hatier et Nathan. Le dernier en donne une précise et concrète: "méthode pour imposer une volonté politique par des actions violentes (attentats, prises d'otages...)."

Au regard de l’étude des lexiques des manuels issus des programmes précédents (2), la différence du nombre de définitions retenues – 3 en 1998 (antisémitisme, aryen et culte de la personnalité) et 18 en 2012 -  n’est pas sans questionner. La réponse semble dans l’extension du programme à la période actuelle qui a vu réapparaître des actions de purification ethnique au sein même de l’Europe, des génocides et des actions terroristes. La simplification médiatique de ces phénomènes dont beaucoup sont réduits à l’équation: terrorisme = islam, oblige à une plus grande rigueur dans les définitions des notions pour une véritable compréhension. Rigueur qui n’est pas au rendez-vous de nombreuses définitions imprécises, ambigües ou absentes.

(2) Pour plus d’informations voir: “Manuels d’histoire de troisième –programme 1998” sur « recolarel.over-blog.com »

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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 09:58

3.  RACISME, ANTISEMITISME  ET NAZISME

 

Des documents riches questionnés très diversement

Pour que l'élève puisse avoir des éléments de compréhension de cette tragédie procédant d'un pouvoir conquérant et exterminateur, quatre questions se posent: 1. Quelle part d'adhésion - et son évolution - de la population allemande à ce système totalitaire est présentée dans les manuels?  2. Quelle part de soumission-  et ses degrés de complicité?  3. Quelle capacité de résistance avaient les différentes oppositions politiques au régime nazi? 4. En amont, de ces trois premières questions, quel contexte historique et culturel, quels systèmes de pensée ont permis ou autorisé l'inacceptable?

Nous nous proposons de répondre à ses questions dans cette partie, mais aussi dans celles numérotées et intitulées: 5. Racismes et nationalismes et 7. Culte de la personnalité et nazisme.

        3.1.  La valorisation de l'"homme aryen"

                   3.1.1.  La valorisation de l'"homme aryen" par l'image

Les images se rapportant à l'"homme aryen" sont nombreuses. Elles occupent un espace d'autant plus important que les nouveaux programmes offrent à l'Histoire des arts une place importante. Les auteurs ont respecté largement cette consigne dans l'ensemble des pages étudiées. Ce constat est valable pour la présentation valorisante de l'"homme aryen" par l'image sauf chez Belin, celui n'employant aucunement le terme. L'art comme instrument d'endoctrinement des esprits par le régime nazi est particulièrement bien présent chez les six autres éditeurs: Bordas (p.78), avec une sculpture en bronze de 1939 d'Arno Breker, représentant un homme nu, musclé, prêt au combat, chez Hatier (p. 75) et Nathan (p. 71), avec un bas-relief du même sculpteur, montrant  le protecteur nu, viril, à l'expression guerrière, ou chez Lelivrescolaire (p. 92), avec une image du film Les Dieux du stade, 1938, de Leni Riefenstahl, représentant un lanceur de disques répondant aux "canons du néoclassicisme nazi".

 Ce même éditeur, à la même page, ainsi qu'Hatier (p. 74) ont la bonne idée de présenter en parallèle "l'art dégénéré" vu par les nazis avec l'affiche de l'exposition sur celui-ci  à Munich en 1937,pour le premier, et un extrait du guide de l'exposition, pour le second. Les questionnements sont à propos.

Bordas présente, à la page 74, un document judicieusement choisi: "l'Aryen et la caricature du Juif pour un livre d'enfants" d'Elvira Bauer, Nuremberg, 1936. Deux images: à gauche, un homme blond, musclé, torse nu tenant une bêche à la main regardant d'un air méprisant un homme gras, chauve, le nez crochu, le cigare à la bouche, le regard peureux. Les commentaires des deux images inculquent  le sens de l'esthétique nazie et incitent à la haine des Juifs. Une question appropriée suit: "Quels sentiments cherche-t-on à susciter chez le jeune lecteur?"

Magnard choisit également de présenter deux documents d'un poids pédagogique fort pour faire comprendre « une idéologie de la "race" »(p. 56): l'illustration d'un livre pour enfants, Allemagne, 1936 et un extrait d'un manuel de pédagogie de 1937 présentant des profils de garçons et de filles dont la morphologie du nez permettait l'identification "raciale".

                  3.1.2 La valorisation de l'"homme aryen" par les textes

Des longs extraits de Mein Kampf (Mon combat), Hitler, 1925 sont  cités chez Bordas (p. 74), Hatier (p.70), Hachette (p. 74),Nathan (p. 67), l'idée martelée étant que "Les Aryens ont été les seuls fondateurs d'une humanité supérieure, celle qui a créée la civilisation."

Aucun manuel ne signale la contradiction entre le discours exaltant "l'homme aryen" et le projet nazi d'endoctrinement de la jeunesse, projet évoqué dans Hitler m'a dit d'Hermann Rauschning, Hachette, 1939. Lelivrescolaire en cite un extrait: "Je ne veux aucune éducation intellectuelle. Le savoir ne ferait que corrompre mes jeunesses..." (p. 65)

        3.2. La haine de l'autre, d'abord et surtout du Juif

Tous les manuels par l'image et les textes montrent l'idéologie raciste et antisémite du nazisme ainsi que ses  conséquences politiques. Mais certains ont fait des choix donnant un plus à penser.

                3.2.1 La haine de l'autre, d'abord et surtout du Juif, par l'image

On observe une grande richesse dans le choix pédagogique des éditeurs.

Rappelons les documents iconographiques  destinés à endoctriner les jeunes esprits présentés ci-dessus où Aryens et Juifs caricaturés étaient comparés morphologiquement: Bordas (p. 74) et Magnard (p. 56).

Lelivrescolaire, à la page 59, présente un document particulièrement éloquent sur cette haine d'un régime raciste et antisémite. Il s'agit du tableau des "insignes distinctifs portés par les détenus" d'après Eugen Kogon. L'enfer organisé. Le système des camps de concentration. 1947. "Montrez la diversité des victimes de la terreur nazie?": est-il questionné très justement.

Belin, à la page 71, montre une affiche "allemande" de 1942 : un homme gras, la tête aux traits grossiers prêtés par l'idéologie nazie aux Juifs, en sautoir, une chaîne d'or portant une étoile à six branches. L'homme se cache derrière les drapeaux américain, soviétique et anglais. Le slogan de l'affiche est :"Et derrière les puissances ennemies, le juif". Ce document mérite plus que la simple question: "Quel thème de propagande cette affiche exploite-t-elle?"

Deux manuels pointent l'intolérance d'un régime et l'apparente passivité d'une société en présentant une photo d'humiliation publique de personnes allemande et juive mariées (Hatier, p.73) ou accusées d'avoir eu des relations sexuelles (Bordas, p .83).Sur cette dernière photo de 1933, on voit, entourés de SA, la milice nazie, un homme et une femme portant chacun un panneau. Sur le premier: "Comme tout Juif, je n'emmène que des jeunes Allemandes dans ma chambre", sur le second: " Je suis la grosse truie qui ne va qu'avec des Juifs."

Si l'on compare, sur ce même thème, les nouveaux manuels avec  les précédents issus des programmes de 1998, on est surpris de voir qu'aucun ouvrage n'ait repris l'affiche de l'exposition nazie de 1937 à Munich, "Le juif éternel", présente dans trois manuels : Bordas (p. 72), Hatier (p. 68) et Nathan (p. 85); ce dernier en faisait une excellente exploitation pédagogique et donnait à comprendre la construction et la diffusion de stéréotypes antisémites.

              3.2.2.  La haine de l'autre, d'abord et surtout du Juif, dans les textes

Tous les manuels citent les lois antisémites de Nuremberg de 1935 et les ordonnances de 1938. Six - Belin (p. 55), Bordas (p. 74), Hachette (p. 67), Hatier (p. 70), Magnard (p. 56) et Nathan (p. 67) - donnent des extraits importants de Mein Kampf (Mon combat), Hitler, 1925: le plus cité est: "Une fraction restreinte, mais puissante, de la population mondiale a choisi le parasitisme... L'espèce la plus dangereuse de cette race est la juiverie."

Lelivrescolaire (p. 57) et Magnard (p. 51) - ce dernier dans une traduction curieuse - présentent des extraits du Programme du parti nazi de 1920, dont l'article 4:" Seuls les citoyens bénéficient des droits civiques. Pour être citoyen, il faut être de sang allemand, la confession importe peu. Aucun Juif ne peut donc être citoyen."

Magnard, toujours  à la même page, dans un document titré très pertinemment "la singularité radicale du nazisme", donne un extrait d'une lettre d'Hitler, datée du 16 septembre 1919, où il exprime son antisémitisme: "...Son objectif final et immuable doit être l'élimination des juifs en général."

Deux manuels présentent des documents d'endoctrinement à destination de la jeunesse  plus que parlants. Hatier, à la page 73, donne deux extraits d'un manuel scolaire nazi. Deux exercices de mathématiques sont proposés: Le premier demande le pourcentage de Juifs dans la population allemande en 1933. Quant au second: " Un aliéné coûte chaque jour 4 Reichsmarks. D'après des estimations, il y a quelque 300 000 aliénés et épileptiques dans les asiles. Calculez combien coûtent-ils annuellement. Combien de prêts aux jeunes ménages à 1000 Reichsmarks pourrait-on faire si cet argent pouvait être économisé?". Lelivrescolaire présente le même document ajoutant un élément tronqué chez le précédent éditeur: "un invalide (coûte) 5,5 marks, un criminel 3 marks..." (p.59). Les questions liées permettent aux élèves d'aller au-delà de l'émotion et de dégager l'essentiel du document: "Quelles idées les nazis veulent-ils faire passer à travers les exercices de mathématiques?" interroge Hatier, "Quelle conclusion cet exercice de mathématiques suggère-t-il?" demande Lelivrescolaire qui est le seul à utiliser le terme d'eugénisme dont la définition est imprécise.

Il nous semble difficile de ne pas parler d'eugénisme qui est un concept qui éclaire une des facettes les plus sombres du nazisme

Un seul manuel présente un texte traitant de la réception des Allemands à l'idéologie raciste nazie désignant les Juifs comme boucs-émissaires, responsables de la crise profonde économique et sociale. Excellent choix de Hachette (p. 76) d'un extrait de Ma jeunesse au service du nazisme, Melita Maschmann, adhérente des Jeunesses hitlériennes, 1967: " on entendait sans cesse répéter que l'une des raisons de ce triste état de choses était l'influence grandissante des Juifs...".

Les manuels présentent clairement les deux principales formes d'extermination: les Einsatzgruppen - Hatier propose une excellente double page (90-91) - et les camps d'extermination. Mais deux ouvrages seulement présentent des extraits de la conférence de Wannsee de janvier 1942 où fut décidée la construction des camps d’extermination: Hachette (p. 97) et Nathan (p. 84)!

La haine distillée par le nazisme se porte aussi sur les Tsiganes, les homosexuels et les malades mentaux. Plusieurs manuels en parlent de manières diverses, depuis la simple mention jusqu'à une place non négligeable. Pour les Tsiganes, trois ouvrages titrant une double page: "le génocide des Juifs et des Tsiganes" - Belin, p. 72-73, Hachette, p.96-97 et Nathan, p.84-85. Les deux derniers présentent un bilan des exterminations. Seul Hachette cite ses sources: "Populations juives: environ 5 700 000 (entre 54% et 64% des Juifs vivants en Europe en 1939) ; Tziganes: 240 000 (34% de la population vivant en Europe à la   veille de la guerre. Ce bilan comptabilise également "l'euthanasie des malades mentaux: 70 000 et les prisonniers soviétiques: 3 500 000." Belin (p. 73) et Hachette (p. 95) montrent un plan du camp d'Auschwitz avec le secteur réservé à l'internement des Tsiganes.

Belin (p. 73) choisit de présenter un extrait de Auschwitz-Birkenau. Leçon des ténèbres, Plon, 1995, d'André Rogerie, déporté en avril 1944. Celui-ci relate l'extermination des Tsiganes du camp à l'occasion d'une rébellion dans la nuit du 31 juillet au 1er août 1944.
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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 09:57

4. ANTISEMITISME ET REGIME DE VICHY

 

Un contexte historique et culturel à mieux analyser

Les sept manuels présentent tous le caractère antisémite du régime de Vichy, tout en lui accordant, sur cet aspect, des espaces et contenus différents.

Tous les manuels présentent les lois antisémites d'octobre 1940. Quatre seulement - Belin (p.160), Hachette (p. 194), Hatier (p. 163) et Magnard (p. 163) précisent que les Juifs étrangers peuvent être internés dans des camps spéciaux. Mais sans ajouter que ces derniers représentaient alors une grande part des Juifs en France.

Trois manuels -Belin (p. 160), Bordas (p.196) et Hatier (p. 194) -présentent une Affiche du Centre de propagande de la Révolution nationale, 1940. On y voit: à droite, une maison où il fait bon vivre, aux fondations solides où on lit, sur fond bleu-blanc-rouge, le slogan "Travail-Famille-Patrie"; à gauche, une maison en équilibre très instable entourée d'un immense nuage rouge sur lequel est dessinée une étoile à six branches et, à l'intérieur de celle-ci, trois points, symbole de la Franc-maçonnerie; les fondations croulantes sont nommées: communisme, capital, juiverie, parlement..." Cet excellent document méritait un questionnement moins court chez Belin: "Quelle est la signification de cette affiche?". Si Bordas interroge justement sur les "valeurs qui fondent la Révolution nationale", il est tout aussi nécessaire de faire repérer aux élèves les contre-valeurs véhiculées par cette affiche, dont la haine tout azimut, celle de la "juiverie" en particulier.

Un autre excellent document est présenté par Nathan (p. 169). C'est "un extrait de tract diffusé en mai 1941 lors de la création de "l'Institut d'étude des questions juives", organisation proche du régime de Vichy créée par les bureaux de propagande allemands". Six pages, par les dessins et les textes, sont d'une rare violence et méritent d'être décodées, contextualisées une à une, car faisant appel à des clichés et des antisémitismes d'origines diverses, à une haine brute et...à une "liquidation des questions juives." Les questions liées à ce document ainsi qu'à d'autres ("Comment sont définis les Juifs? Montrez comment la politique antisémite du gouvernement de Vichy vise à les exclure. Quels services de l'Etat mettent en oeuvre cette politique antisémite?) ne sont pas à la hauteur d' images et d'écrits aussi forts que cruels. Sans le recours éclairé et patient de l'enseignant, il est à craindre un possible effet contre-productif....

 Des photographies de rafles où l'on insiste sur la collaboration de la police française, des miliciens, du régime de Vichy à la politique nazie, sont présentes dans six manuels. Nathan, lui, choisit d'introduire une image qui parlera fortement à la sensibilité des élèves: un jeune garçon au regard inquiet, se dissimulant en partie derrière un mur, porte une étoile jaune cousue sur son veston. Le cadrage et le titre de la photo -"Le marquage des Juifs" - accentuent la dramatisation de la photo. La seule question sur ce document, valable également pour deux autres, est: "Décrivez la violence des mesures antisémites du régime de Vichy." C'est plutôt court!

Tous les manuels présentent une carte de la France de Vichy, deux seulement -Lelivrescolaire (p. 183) et Magnard (p. 158) - offrent dans leur légende des connaissances visuelles sur "une France qui collabore" et "une France qui résiste". Dans la première, sont indiqués, en ce qui concerne le génocide juif, les camps d'internement ou de transit, le camp de concentration du Struthof.

Les manuels donnent un nombre allant de 75 000 à 80 000 pour les déportés juifs sans donner le nombre d'enfants - 11 000 -, celui de ceux qui sont revenus - 2500 -, ni celui de la population juive en France en 1939, qui était très majoritairement étrangère avec des entrées très récentes de réfugiés d'Allemagne, de Belgique et de Hollande, estimée  entre 300 000 et 340 000 (sources: François Delpech , Historiens et géographes, n° 273 ). 

Complément aux commentaires de cette partie « antisémitisme et régime de Vichy », trois remarques critiques, importantes de notre point de vue, peuvent être repérées dans les manuels:

Tout d'abord, pas de renvois aux pages traitant du nazisme -sauf chez Hachette-, renvois d'autant plus importants que le programme a fixé un temps très important  entre deux phénomènes chronologiquement concomitants...et partageant ,à des degrés divers, des caractères antidémocratiques et antisémites. Aussi s'étonnera-t-on de qualificatifs inappropriés donnés par Lelivrescolaire à l'idéologie conservatrice (p. 176) du régime de Vichy et au programme traditionnel et conservateur (p. 177) de sa "révolution nationale"

Deuxièmement, en ce qui concerne le génocide juif, aux questions "Qui savait quoi?", "Quand l'a-t-il su?", "Pour faire quoi?", les réponses manquent. Il n'est pas fait mention, sauf une exception, des réactions de la population française, dans un sens ou dans l'autre, à cette politique antisémite. Sous le titre, "la réaction d'un évêque français à la déportation des Juifs, Lelivrescolaire donne, à la page 182, un long extrait de la "Lettre de Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, sur la personne humaine, 13 août 1942": "Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes...Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d'autres. Un chrétien ne peut l'oublier...À lire dimanche prochain, sans commentaire." Suivent deux questions appropriées: "A quelles mesures prises par le régime de Vichy l'auteur de ce texte s'oppose-t-il? Au nom de quels principes?" Dans la génération précédente des manuels, Nathan avait présenté un extrait de cette même lettre.

Troisièmement, il est étonnant qu'aucun manuel ne fasse le rappel même bref de l'Affaire Dreyfus qui avait profondément divisé la France quelques dizaines d'années auparavant ... pourtant au programme de l'année précédente! L'antisémitisme tel qu'il est exposé semble sans cause! Les élèves n'auront pas de réponse à leur question: "Pourquoi une telle haine des Juifs à cette époque?" Si celle-ci est présentée sans donner la moindre explication sur ses origines, ne court-on pas le risque de la montrer implicitement comme quelque chose d'inéluctable voire fatal.

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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 09:56

5. RACISMES ET NATIONALISMES

 

Des contenus souvent teintés de manichéisme et de fatalisme

En ce qui concerne l'étude de la Première Guerre mondiale, les manuels  - sauf un -  sont respectueux des programmes (1). Et, parce qu'ils sont respectueux des programmes, ils sont muets sur les causes de cette guerre. Les élèves apprendront qu'un assassinat et un "l'engrenage des alliances" sont les seuls mobiles de la première grande tuerie de l'histoire contemporaine. Seul Bordas donne à penser et, dans une double page (44-45), présente une carte de "La situation en 1914" dont la légende évoque les tensions entre pays européens ayant même ambition coloniale, les revendications des minorités.  Une question demande: "Citez un désaccord frontalier, une revendication nationaliste et une rivalité économique en Europe en 1914."

Mais cela est-il suffisant? Comment faire comprendre cette hécatombe sans précédent? Pourquoi tant d'hommes ont sacrifié leur vie? Ne rien dire de l'histoire des mentalités, des systèmes de pensée ne condamne-t-il pas les élèves à ne voir cette violence que comme une fatalité? Les causes profondes de cette Première Guerre mondiale dont la préparation puis la  mobilisation forte et durable des esprits, ne peuvent être tues. Bien avant 1914, le problème des nationalités en Europe, la conviction répandue de la "supériorité de la race blanche" s'appuyant sur des études anthropométriques se donnant comme scientifiques, se construisent sur des idéologies nationalistes teintées de racisme, érigées en véritables cultes de la patrie. Des hommes politiques mais aussi d'éminents scientifiques, intellectuels et philosophes de chaque camp tiennent des propos à l'argumentation clairement raciste, forgeant ainsi les mentalités qui basculeront dans un patriotisme haineux. La construction d'une telle idéologie est déjà décrite et dénoncée par des écrivains comme Romain Rolland dans un article daté du 15 septembre 1914, paru dans le Journal de Genève et titré "Au-dessus de la mêlée". Des extraits de cet article - ou de textes d'autres auteurs - qui rappellent que des valeurs universelles comme la justice, la paix et la fraternité (3) sont préférables aux intérêts étroits et immédiats des nations, auraient été les bienvenus dans les manuels.

 Ainsi, sans les éléments contextuels historiques et culturels que devra présenter le professeur, comment un élève peut-t-il comprendre, dans la partie traitant de la Guerre de 1914-1918, des illustrations choisies par deux manuels: Belin p.35 et Hachette p.54. Il s'agit d'une affiche américaine de propagande anti-allemande de 1917 dont le texte-slogan, en anglais, est: "Détruisez cette bête furieuse. Engagez-vous". Elle montre un chimpanzé, la gueule grande ouverte découvrant des canines immenses, les yeux exorbités, la tête peinte, évoquant certaines tribus africaines, et coiffée d'un casque à pointe. Il tient dans sa main avant droite une massue ensanglantée où l'on peut lire le mot Kultur. Avec son bras gauche, il enserre une jeune femme à peau très blanche, moitié dénudée, la tête dans les mains, terrorisée. Cette affiche, particulièrement riche en connotations diverses et pouvant déclencher des réactions vives de la part d'élèves, mérite une approche analytique et contextualisée. Cette dernière est absente de ces ouvrages dont le questionnement est particulièrement court. "Qui est représenté comme une bête?": interroge Belin. "Comment l'ennemi est-il représenté?" puis "Montrez qu'il s'agit d'une image de propagande?": questionne Hachette.

Dans Lelivrescolaire, une double page (50-51) titrée "Perception et représentations des soldats coloniaux dans la guerre", se propose comme objectif la "compétence 5 " du "socle": "Situer dans le temps les évènements et les mettre en relation avec des faits historiques ou culturels utiles à leur compréhension." Deux Une et un texte sont présentés. En ce qui concerne le texte, un extrait du Feu d'Henri Barbusse (1873-1935), éditions Belenus, 1916, peut susciter l'émotion légitime de certains élèves devant certains propos et insultes racistes présentés. Le risque est grand de rendre inaudible la tâche pédagogique et éducative de l'enseignant. Un autre document présente une caricature à la Une d'un hebdomadaire satirique allemand Kladderadatsch, du 23 juillet 1916 montrant un Africain torse nu, un crâne humain en trophée en bandoulière, un fusil à baïonnette  à la main, exécutant une danse incitant à l'hilarité. L'élève a-t-il les éléments pour décoder tout l'implicite de cette image forte et polysémique? La légende de l'image non traduite -"L'Europe civilisée"- et son commentaire illisible ne lui viendront pas en aide. Le schéma mental présentant l'autre, l'ennemi ou le colonisé, comme un barbare incarnant la sauvagerie et le mal ne sera peut-être pas décrypté. Le risque est grand d'aboutir au résultat inverse du but recherché.

Que disaient les manuels des programmes précédents sur cette même période? Un seul manuel faisait une approche du point de vue des représentations et des mentalités. Nathan, à la page 26, écrivait : " Dans tous les camps, la guerre est vécue comme une croisade du bien contre le mal et les plus jeunes n'échappent à cette volonté de diaboliser l'ennemi…" (2).

Dans les nouveaux manuels, est évoquée la poursuite de l'utilisation de cette construction mentale consistant à diaboliser l'autre pour justifier l'initiative d'une guerre. Il en est question trois fois. D'abord, à propos de l'invasion de l'URSS par Hitler en 1941: "Croisade contre le bolchevisme" tel est le bandeau d'une affiche ... Ensuite, à propos des attentats d'Al-Qaïda à New-York et Washington le 11 septembre 2001 ainsi que  l'invasion de l'Irak par les USA et leurs alliés en 2003 - voir 8. Terrorisme et religions.

 Dans la nécessaire présentation du contexte historique, culturel et idéologique, il n'est évidemment pas question de poser un jugement moral a posteriori sur une époque révolue mais de présenter des faits, les contextualiser, les mettre en perspective et donner à comprendre les origines des conflits, violences et guerres. Est-il besoin de dire qu’il n’est également aucunement question, ici, de justifier une quelconque œuvre de barbarie. Donnons un exemple de cette nécessaire contextualisation d'un système de pensée accepté à une époque donnée et qui choquerait les opinions et mentalités d'aujourd'hui: Belin, page 160, présente une carte d'identité d'une enfant juive, délivrée en 1940. Deux éléments sont à prendre en compte: d'une part, un tampon bien visible à l'encre rouge avec la mention "JUIVE" et, d'autre part, une liste d' "éléments de signalement: nez: rec., forme générale de visage: all., teint: rosé, corp.: moy". Une question sur la présence de ce second ensemble et sur ce qu'il révèle des mentalités de l'époque aurait été la bienvenue - certains manuels incluant l’éducation civique où figurent des cartes d'identité d'aujourd'hui permettent une comparaison immédiate-. Cette question était donc pertinente pour deux raisons: d'une part, faire un lien avec le programme d'éducation civique dont l'un des thèmes est "nationalité-citoyenneté" et, d'autre part, éviter d'éventuels jugements anachroniques sur des évènements ou des groupes. Sera ainsi donné un éclairage plus objectif sur un environnement culturel où divers éléments comme la science et son volet anthropométrique ont été utilisés par les idéologies racistes dont certaines perdurent et sont plus que jamais à dénoncer.

50 ans après, en Europe, le retour de la purification ethnique...

Et comment éviter, de la part d’élèves, un jugement simpliste, un sentiment d'impuissance ou une impression de fatalité dans le traitement des évènements sombres de la fin du siècle dernier? L'exemple de la présentation de l'éclatement de la Yougoslavie et la purification ethnique qui s'en est suivie est révélateur d'une vraie difficulté. Selon les manuels, la place accordée va de deux lignes à deux pages. Seuls Hachette et Lelivrescolaire utilisent les termes de purification ethnique pour le premier (p. 16O) et d'épuration ethnique pour le second (p. 150). Ce dernier est le seul à évoquer, en 1995, "la prise de Srebrenica par les forces serbes et l'exécution de plusieurs milliers de Musulmans." Cartes et documents apportent des éléments factuels. Les causes avancées tiennent en quelques mots: nationalismes "exacerbés" et l'impuissance de la diplomatie européenne.

(1) Programmes et compétences du Socle commun des connaissances sont consultables sur le site: eduscol.education.fr

 (2) Pour plus d’informations voir: “Manuels d’histoire de troisième –programme 1998” sur « recolarel.over-blog.com »

(3) Notons la troublante disparition du mot "fraternité" dans les nouveaux programmes d'éducation civique des classes de collège!...

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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 09:55

6.  CULTE DE LA PERSONNALITE ET STALINISME

 

Une instrumentalisation du religieux diversement pointée

Dans de nombreux manuels,  en ce qui concerne le totalitarisme stalinien, les auteurs mettent l'accent plus sur les effets de la dictature et les moyens répressifs que sur les méthodes de séduction mises en œuvre pour susciter l'adhésion d'une population ou pour conditionner celle-ci à un projet idéologique et politique.

L'étude des pages consacrées à ce culte de la personnalité, cet ensemble de pratiques et de rites autour d'une personne assimilée à un dieu, pointe la manière dont les auteurs font percevoir – ou non – le détournement d'un certain sentiment religieux par la sphère politique.

         6 .1. Culte de la personnalité et stalinisme : les images

Les images prennent souvent le pas sur les textes d'auteurs ou documents textuels. Celles étant un moyen de propagande parlant plus directement à l'imaginaire, les auteurs ont fort logiquement repris ce qui était premier dans le dispositif d'embrigadement des esprits au service d'un système totalitaire. Sont surtout présentées des affiches, des photos et des photomontages.

Les affiches représentent généralement la tête ou le personnage de Staline surdimensionné, le regard tourné vers l'horizon, dans une posture de toute puissance, dominant une foule anonyme. Trois manuels - Bordas (p. 70), Hachette (p; 85) et Nathan (p.75) - présentent une affiche anonyme de 1932 appelant à la réalisation du premier plan quinquennal, le buste de Staline occupant quasiment la moitié de l'espace, un énorme tracteur un bon quart et une foule anonyme en arrière plan. "Expliquez en quoi cette affiche est un document de propagande": questionne Hachette, "...et qu'elle cache la réalité": ajoute Nathan. Quatre manuels - Belin (p. 53), Hachette (p. 80), Lelivrescolaire (p.64) et Magnard (p.83) - ont choisi de présenter l'affiche du 17e Congrès du PCUS de 1934 qui vient directement en illustration du texte d'auteur sur le culte de la personnalité pour Belin, Hachette et Lelivrescolaire. Magnard accorde à cette affiche une page entière pour un travail pédagogique. Le meilleur choix, de notre point de vue, est celui fait par Belin p. 61, Hatier p. 69 et Magnard p.61 qui présentent l'affiche soviétique de 1938, "Longue vie au grand Staline!" Celui-ci occupe la moitié de l'espace, le visage souriant tourné vers l'avenir, tout de blanc vêtu. Il apparait comme un sauveur.

La présentation de photos participe aussi du choix des auteurs à illustrer ce culte de la personnalité tels les défilés et parades comme celle de la jeunesse devant Staline sur la Place rouge (Hachette p.74, Hatier p.60, Lelivrescolaire p. 67 et Nathan p. 69 et 73)

Le programme ouvrant à l'histoire des arts, on peut s'étonner que les auteurs n'aient pas montré comment l'art est aussi mis à contribution pour ce culte...ce que trois éditeurs - Hachette (p. 47), Hatier (p.49), Magnard (p. 40) avaient fait, dans les manuels issus des programmes de 1998, en présentant un tableau de I.M Toidze, 1935 : Staline devant la nouvelle centrale hydroélectrique de Ryon dans de Caucase, au centre du tableau, quatre hommes à côté de lui, porte seul un habit blanc lui donnant un aspect d'archange!

        6. 2. Culte de la personnalité et stalinisme : les textes

Un seul manuel - Belin (p. 52) - cite un exemple participant de ce "culte" et tiré de la presse soviétique. C'est un  poème publié par la Pravda en 1939, titré "Ode à Staline": "Tu es le sauveur de notre vie, tu es notre gardien, Staline/ Tu es le guérisseur de toutes maladies de notre coeur et notre baume, Staline/Tu es l'œil du monde et la source, le soleil de la pensée contre les ténèbres,/ Le destructeur des nuages noirs et sombres, l'arc-en-ciel éclatant, Staline." Le terme "dévotion" utilisé dans le questionnement vient appuyer l'effet d'assimilation de Staline à une divinité : "Comment ce poème exprime-t-il la dévotion à Staline?"

Dans la génération des manuels précédents, Hatier (p. 48) donnait, en document, un poème de Rashimov publié dans la Pravda, 28 août 1936, "O Grand Staline, O chef des peuples / Toi qui fais naître l'homme /toi qui fécondes  la terre..."  avec une question appropriée.

 

Les manuels ont donc diversement montré la propagande stalinienne et la manière dont elle avait, tant par l'image que par l'écrit, cherché à instrumentaliser le sentiment religieux à des fins politiques. 

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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 09:54

7.  CULTE DE LA PERSONNALITE ET NAZISME

 

Une instrumentalisation du religieux insuffisamment pointée

Ce culte de la personnalité est présenté à la fois dans sa mise en œuvre et ses effets. On y voit la construction d'un dispositif d'exploitation du sentiment religieux et d'instrumentalisation de la religion à des fins politiques. La plupart des auteurs ont préféré l'approche iconographique à l'approche textuelle pour présenter le culte de la personnalité

        7. 1. Culte de la personnalité et nazisme: les images

La présence de très nombreuses affiches montrant le personnage d'Hitler surdimensionné par rapport à son entourage, au regard fixant un horizon lointain, est de bonne pédagogie pour que les élèves découvrent un dispositif de propagande présentant un surhomme  systématiquement conquérant, sauveur.

Bordas (p. 82), Hachette (p. 69 et 84) et Hatier (p. 77) présentent une affiche de propagande nazie de K.Stauber de 1935, son bandeau clame "Vive l'Allemagne" : Hitler, en gros plan, l'allure martiale, est en tenue militaire, un drapeau à la main. Derrière lui, une armée de soldats anonymes. Au dessus de lui, dans un halo lumineux, l'aigle impérial stylisé d'où partent des rayons lumineux est, pour une population de tradition chrétienne, l'évocation du Saint-Esprit. L'intention de l'auteur de l'affiche est de sacraliser l'aigle impérial ainsi que le chef dans une atmosphère de transfiguration. Aucun questionnement du manuel ne fera comprendre cet artifice de propagande consistant, ici, à détourner un symbole religieux de son sens. Sans ce décryptage "montrant que ce document donne une vision déformée de la réalité et qu'il vise à célébrer un homme et un régime politique", comment l'élève peut-il "exprimer un regard critique" ( Hachette p. 84)? Où trouver "Quels messages le document délivre-t-il?" ( Bordas p. 82)

Belin (p. 46), Bordas (p. 73), Hatier (p. 61), Magnard(p. p50) et Nathan(p.61) présentent une photo du congrès du parti nazi à Nuremberg à différentes dates, image forte d'une cérémonie où la rigueur méticuleuse d'une mise en scène grandiose est faite pour impressionner les esprits. Selon l'angle de vue, les réactions seront diverses. Vu de dos, l'alignement impeccable de casques donne une impression d'invincibilité: telle est le sens de la question de Belin. Les autres angles de vue  montrent plus la dimension communautaire  et esthétique du rassemblement que oriente vers une dimension sacrée. Mais les questions ne pointent pas les emprunts de cette mise en scène à la sphère religieuse.

 Hachette (p. 78) présente une photo Hitler en 1936 dominant une foule en délire et bien encadrée, le bras levé et tendu, photo accompagnée de la question: "Quels éléments de ces deux éléments (le second étant l'affiche de Stauber) montrent le culte de la personnalité. Nathan (p. 66) choisit une photo d'"une jeunesse conditionnée" au Congrès du parti nazi en octobre 1938, les membres des Jeunesses hitlériennes impeccablement alignés, bras levé. "Comment qualifier cette attitude à l'égard (d'Hitler)?": questionne simplement le manuel. Dans le même manuel (p. 69), une publicité pour un nouveau modèle de radio à bas prix produit par une entreprise d'Etat (1938) mériterait une analyse détaillée pour décoder son fonctionnement dont les ressorts religieux ne sont pas exclus.

Ces exemples d'illustration de la volonté de confusion des sphères religieuse et politique au service de cette dernière se retrouvent aussi dans les textes présentés.   

          7. 2.  Culte de la personnalité et nazisme: les textes

Belin (p.57) donne un extrait du IIIe Reich, 1961, de William Shirer, journaliste américain en Allemagne dans les années 1930 dans lequel il cite le serment que devait prêter tout jeune allemand de dix ans en entrant dans la Jungvolk: "En présence de cet étendard de sang, qui représente notre Führer, je jure de consacrer toute mon énergie et toute ma force au sauveur de notre patrie, Adolf Hitler. Je suis prêt à donner ma vie pour lui". la question liée est: "Qu'attendent les nazis d'un embrigadement de la jeunesse?"

Hatier (p. 76) présente un extrait de la Marche de la jeunesse hitlérienne -paroles de Baldur von Schirach (chef des Jeunesses hitlériennes), 1932: "Notre drapeau claque devant nous/ Un par un, nous avançons vers l'avenir/Nous marchons pour Hitler/ à travers la nuit et la misère...Jeunesse! Jeunesse!/ Nous sommes les soldats de l'avenir/Führer! Nous t'appartenons..." "Quels passages de la marche montrent la soumission à Hitler" est une question juste.

Signalons que le même éditeur, dans l'édition précédente, avait rassemblé des images et des textes excellents  pour illustrer le culte de la personnalité  et faire comprendre les mécanismes d'instrumentalisation du religieux par le politique et l'art d'inculquer une idéologie dès le plus jeune âge. Etaient montrés trois documents: Le premier (p. 68), titré "Une dictée d'école primaire" (1934), mérite d'être cité in extenso : "Comme Jésus a délivré les hommes du péché et de l'enfer, ainsi Hitler a sauvé le peuple allemand de la ruine. Jésus et Hitler furent persécutés mais tandis que Jésus fut crucifié, Hitler fut élevé au poste de chancelier... Jésus travaillait pour le ciel, Hitler œuvre  pour la terre allemande." A la page suivante, une grande photo du congrès nazi de Nuremberg et un extrait des Souvenirs d'ambassade à Berlin, 1946, d'A. François-Poncet, titré "Le rituel du congrès de Nuremberg". De nombreux termes utilisés appartiennent au champ religieux: rituel, baptisé, foi, rite, sacré, hymne. Mais un questionnaire superficiel ne pointait pas cet aspect.

A la question d'élèves: "Hitler était-il chrétien?", après l'étude de documents souvent excellents – mais peu interrogés – sur le culte de la personnalité prôné par Hitler et celle du racisme et de l'antisémitisme nazi, il n’est pas certain que l’élève conclue à un comportement aux antipodes des valeurs chrétiennes.  

La question: "Comment Hitler a-t-il pu autant se "servir" du peuple allemand à forte tradition chrétienne avant d'exiger une "collaboration" d'autres peuples, également de tradition chrétienne?" reste encore un débat d'historiens. 

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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 09:53

8. TERRORISME ET RELIGIONS

 

Des contenus souvent partisans...

"Interrogez-vous sur la façon dont les groupes terroristes instrumentalisent un langage religieux pour justifier leurs actes": peut-on lire, à la page 154, chez Lelivrescolaire. Question pertinente qui va à l’essentiel mais qu’y répondent les manuels?

Quatre manuels Belin (p.130-131), Bordas (p. 166-167), Hachette (p. 162-163) et Hatier (p.152-153) consacrent une double page au 11 septembre 2001 et en font leur titre. Bordas et Hachette y ajoutent même une troisième, respectivement page 171 et 159. Les trois autres lui accordent un espace d'environ une page. Plus que la surface dévolue, c'est la façon de traiter le même évènement et ses conséquences qui diffère profondément. Certains manuels privilégient l'aspect évènementiel et émotionnel tels Bordas (p.166 doc 1.2.3), Hatier (p. 152 doc 1.2). D'autres donnent plus d'importance à l’analyse.

L'ensemble des manuels, selon le choix qu'ils font de donner la parole à tel ou tel acteur en présence - ou à plusieurs, peut être classé en deux catégories.

La première ne donne la parole qu'à un seul des deux protagonistes.

 Lelivrescolaire ne présente que le point de vue d'Oussama Ben Laden (p. 154) avec un extrait d'un "message vidéo diffusé sur la chaîne qatarie Al-Jazeera, repris par la chaîne américaine CNN, octobre 2001": "Je jure par Dieu que l'Amérique ne connaîtra plus jamais la sécurité avant que la Palestine ne la connaisse et avant que toutes les armées occidentales athées ne quittent les terres saintes." Une question plus détaillée sur le fond et la forme du message était attendue et aurait permis de répondre au questionnement cité plus haut. Le terrorisme, ici, est vu surtout sous l'angle de sa médiatisation.

Quatre manuels ne présentent que le point de vue des Etats-Unis. Bordas légende un photographie titrée "Le Pentagone touché par l'un des avions détournés": "Le même jour (11/09/2001), le Président américain G.W. Bush déclare la guerre au terrorisme et annonce "un combat monumental du Bien contre le Mal" "(p. 166).

Hatier (p. 153) donne le seul point de vue des Etats-Unis avec un extrait du discours de George W. Bush devant le Congrès, le 20 septembre 2001.Les élèves n'y trouveront aucun élément pour "expliquer les attentats du 11 septembre" comme il leur est demandé à la même page.

Un seul point de vue, aussi, chez Magnard (p. 135) avec un extrait de discours de G.W. Bush, celui sur l'état de l'Union, 29 janvier 2002: "Notre objectif consiste à empêcher les gouvernements qui parrainent le terrorisme de menacer les Etats-Unis et leurs amis au moyens d'armes de destruction massives. Certains gouvernements (Corée du nord, Iran, Irak) constituent, avec leurs alliés terroristes, un axe du Mal et s'arment pour menacer la paix mondiale..." Les questions posées le sont du seul point de vue de G.W. Bush. Les réponses devraient être une légitimation de la guerre, pourtant "contestée par de nombreux pays."(p. 134)

Un seul point de vue également chez Nathan (p. 143) qui donne un extrait du discours de Colin L. Powell, secrétaire d'Etat des Etats-Unis, devant le Conseil de sécurité de l'ONU, le 11 février 2003. Choix qui pose question pour deux raisons: d'une part, dans le texte, il n'est pas question de l'argument principal invoqué par Colin L. Powell, à savoir l'existence d'armes de destruction massive; d'autre part, cet argument s'est révélé faux. Dans les "activités" proposées, un tableau à compléter aboutira logiquement à une justification de la guerre d'Irak de 2003. Un lien pouvait être fait entre le discours de C. L. Powell et la carte du Moyen-Orient, en vis à vis, où les gisements de pétrole sont indiqués...

La seconde catégorie de manuels se singularise positivement en offrant trois points de vue sur ce "choc du terrorisme international" (Hachette, p.162) permettant aux élèves d'avoir un regard moins partisan et plus distancié.

Hachette, à la page 162, présente d'abord, un extrait du discours de G.W.Bush devant le Congrès américain, le 20 septembre 2001:" Le 11 septembre 2001, les ennemis de la liberté ont commis un acte de guerre contre notre pays. Le but d'Al-Qaïda est d'imposer ses convictions extrémistes partout dans le monde...À partir de maintenant, tout pays qui continue d'abriter ou de soutenir le terrorisme sera considéré par les Etats-Unis comme un pays hostile. C'est la lutte de ceux qui croient au progrès et au pluralisme, à la tolérance et à la liberté."

Suit un extrait d'un message d'Oussama Ben Laden, diffusé le 7 octobre 2001 par la chaîne du Qatar Al Jazeera: "Voilà l'Amérique remplie de terreur et nous remercions Dieu pour cela. Ce que l'Amérique endure aujourd'hui ne constitue qu'une infime part de ce que nous, les musulmans, endurons depuis des années. Notre nation subit depuis plus de quatre-vingts ans cette humiliation, ses fils sont tués, et son sang coule, ses lieux saints sont agressés sans raison. Les chars israéliens pénètrent dans les villes palestiniennes pour y semer la destruction.  Ces évènements ont divisé le monde en deux parties: ceux qui ont la foi et les mécréants. Tout musulman doit se dresser pour défendre sa religion."

Une bonne question est posée: "Quels sont les motivations et buts des terroristes, selon G.W.Bush? Selon Ben Laden? D'autres étaient attendues. Pour le premier texte: Au nom de quelles valeurs G.W.Bush déclare-t-il faire la guerre ? D'après la carte ci-contre, quelles causes de cette guerre ne sont pas évoquées dans ce discours? L’instrumentalisation de certaines valeurs à des fins économiques, politiques et violentes devenait explicite. Pour le second texte: Qu'est-ce que la "nation" pour O. Ben Laden? Qu'en concluez-vous? De quelle humiliation parle-t-il? Par quel moyen doit-elle être effacée? Qui fait partie des "mécréants", selon lui? Quel rôle fait-il jouer à l'islam? L'instrumentalisation de l'islam à des fins politiques et violentes devenait explicite.

Le troisième document du manuel Hachette : "d'après un entretien avec l'historien britannique John Keegan, L'Histoire, n° 308, avril 2006", est titré "Pourquoi la guerre en Irak?" On y lit: "Le 5 février 2003, le représentant du gouvernement américain présentait à l'ONU des documents montrant l'existence d'armes de destruction massive en Irak. Or, rien n'a prouvé la réalité de ces armes. Huit pays européens ont appuyé la démarche américaine. Le 20 mars 2003, les Etats-Unis décident d'aller à la bataille sans bénéficier du soutien de l'ONU...Les Américains ont pensé qu'il serait facile de remplacer l'ancien régime. Mais ils se sont heurtés à une résistance islamiste." " Comment G.W.Bush justifie-t-il ses interventions? Quelles sont les conséquences de (celles-ci)?" sont des questions qui donneront aux élèves des éléments d'analyse pour un avis plus objectif.

Belin présente également trois points de vue. A la page 130, un premier texte titré "Contre l'Amérique, les Juifs et les "infidèles"" et tiré d'une interview d'Oussama Ben Laden accordée à Tayseer Alouni, correspondant de la chaîne arabe Al-Jazeera, octobre 2001: "Qui est Ben Laden et quels objectifs vise-t-il?" est-il demandé. Une question manque: Comment comprenez-vous l'expression "nation islamique"?

Suit, page 131, un extrait du discours du président des Etats-Unis G.W. Bush au Congrès, le 20 septembre 2001: "...Notre guerre contre la terreur commence par Al-Qaïda...Cette lutte est celle du monde entier. C'est une lutte de civilisation. C'est la lutte de ceux qui croient au progrès et au pluralisme, à la tolérance et à la liberté." Une question met en relation les deux textes: "Montrez que les positions idéologiques d'Al-Qaïda et des Etats-Unis sont inconciliables."

Le troisième document titré "l'unilatéralisme des Etats-Unis contesté" est un extrait du discours prononcé par Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères français, au Conseil de sécurité de l'ONU, le 14 février 2003: "Nous partageons tous une même priorité, celle de combattre sans merci le terrorisme...Il y a dix jours, le secrétaire d'Etat américain, M. Powell, a évoqué des liens supposés entre Al-Qaïda et de régime de Bagdad. En l'état actuel de nos recherches d'informations menées en liaison avec nos alliés, rien ne nous permet d'établir de tels liens. En revanche, nous devons prendre la mesure de l'impact qu'aurait sur ce plan une action militaire contestée actuellement. Une telle intervention ne risquerait-elle pas d'aggraver les fractures entre les sociétés, entre les cultures, entre les peuples, fractures dont se nourrit le terrorisme?" "Sur quel objectif la France et les Etats-Unis sont-ils en accord? En désaccord?" est-il très logiquement demandé.

En conclusion de ce thème, "terrorisme et religions", trois remarques.

La première: seuls deux manuels sur sept apportent une pluralité d’éléments d’analyse et une aide réelle aux élèves pour commencer à "mobiliser leurs connaissances pour donner du sens à l'actualité." (compétence 5). Seul Hachette présente clairement l’instrumentalisation d’une religion par un groupe politique.

La seconde remarque est un fort risque d'amalgame entre islam et terrorisme pour au moins deux raisons: d'une part, les causes sociales et  culturelles de l'islamisme politique sont ignorées; d'autre part, l'emploi fréquent d'expressions comme "terrorisme islamique", "attentats terroristes islamistes" dans les documents, les légendes de cartes ou les textes d'auteurs de manuels associe islamisme à violence et risque ainsi d'entrainer avec l'islamisme, l'islam. Il faut prendre le temps de distinguer soigneusement ces deux concepts. L'islamisme est une forme d'intégrisme de l'islam, intégrisme qui se nourrit de la confusion entretenue délibérément entre la sphère politique et la sphère religieuse. D'un point de vue pédagogique, il est utile de préciser que l'intégrisme prend des formes variées qui se retrouvent dans tous les systèmes de pensées et de croyances.

La troisième liée aux deux précédentes: il aurait été souhaitable d'introduire des recherches sur la similitude des idéologies totalitaires et/ou guerrières quelle que soit l'époque. Les systèmes de pensée conjuguent la même rhétorique : l'autre est toujours le barbare qui met la civilisation, les valeurs, la religion en danger. il est l'incarnation du Mal. Souligner la permanence de ces représentations, repérer les dits et les non-dits  sur toute la période étudiée, permet de lier naturellement l'histoire et l'éducation civique. 

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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 09:52

9. « LES ARTS, TEMOINS DE L’HISTOIRE DU MONDE CONTEMPORAIN »

 

Une place encore timide...

"Le professeur choisit un itinéraire composé d’au moins une oeuvre et/ou un artiste significatif pour chacune des parties du programme. Les dimensions sensible, technique et esthétique, impliquent un travail conjoint avec les professeurs des autres disciplines concernées": précise le Bulletin officiel (1). Entre autre, l'élève doit être capable de décrire l’oeuvre, d'en distinguer les dimensions artistiques et historiques, d'en expliquer le sens.

 

L'histoire des arts est affaire d'émotion et de partage d'une expérience au présent. Une oeuvre échappe à la situation qui l'a fait naître et interpelle directement les élèves. Les réactions de ceux-ci sur un "exemple d'oeuvre produite dans le cadre des régimes totalitaires" (1), prennent en compte les dimensions, à la fois, esthétique, idéologique et/ou éthique. L'intérêt pédagogique et éducatif de ces oeuvres au contenu polysémique est de favoriser la formation de l'esprit critique en proposant des interprétations ouvertes qui feront débat loin de tout dogmatisme. Cette démarche en privilégiant liens entre arts et l'histoire, d'une part, et arts et éducation civique, d'autre part, est constituante d'une démarche interdisciplinaire.

Parmi les oeuvres d'art étudiées ou à étudier dans les manuels, et concernant nos thèmes, nous avons, ici, choisi de faire une étude comparative de la présentation de deux oeuvres d'un même artiste dans deux ouvrages différents.

L'auteur des tableaux est Félix Nussbaum. "En 1940, il est interné dans le camp français de Saint-Cyprien en tant que Juif allemand...s'échappe, entre dans la clandestinité et se réfugie en Belgique. Le 31 juillet 1944, il est arrêté sur dénonciation. Il est déporté à Auschwitz où il meurt.": informe Bordas (p.101).

Hachette, à la page 103, propose l'étude d'une huile sur toile peinte en1943, dans la clandestinité, dont le titre est Autoportrait au passeport juif. Au centre du tableau, un homme, le buste de trois-quarts, la tête coiffée d'un chapeau mou. De la main droite demie ouverte, il remonte le col de sa veste beige dégageant une étoile jaune. De l'autre, il montre une carte d'identité où l'on distingue bien le tampon rouge JUIF-JOOD. En fond, un haut mur gris et, au-delà, à gauche, un immeuble, à droite, un ciel nuageux gris foncé. L'homme nous regarde. A côté de document, les questions dont celle-ci: "Comment l'auteur montre-t-il son sentiment d'insécurité?" Question qui clôt tout débat par une interprétation unique loin d'être pertinente.

Bordas, à la page 100, propose également l'étude d'une huile sur contreplaqué du même artiste, de 1940, dont le titre est Autoportrait dans le camp. Au centre du tableau, un homme, le chapeau les mains et l'étoile en moins, a la même posture. L'homme nous regarde. En fond, des baraquements, des barbelés, des hommes nus ou moitié nus semblent faire leur toilette. En arrière fond, un ciel d'encre. Parmi les questions: "Que cherche à nous dire le personnage central à travers son regard?" Différentes interprétations s'additionnant, s'excluant,  se superposant, peuvent être trouvées. Nussbaum se présente-t-il en sujet-victime? En sujet-rebelle? En sujet s'élevant contre "la dégradation de l'être humain" (p.100)? Ici, cet homme ne symbolise-t-il pas aussi l'homme universel blessé dans sa dignité?

Cette toile - comme beaucoup d'oeuvres d'art -fait franchir le temps. Ce regard n'est pas seulement un témoignage. Il questionne l'élève. Le professeur d'histoire devient tout naturellement un professeur d'éducation civique. L’expérience sensible de chaque élève peut nourrir, ici, le débat sur le respect inaliénable de la dignité de la personne, de sa propre dignité comme de celle des autres.

(1) Programmes et compétences du Socle commun des connaissances sont consultables sur le site: eduscol.education.fr
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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 09:51

10. CONCLUSION

Des contenus en partie desservis par les programmes, des améliorations possibles…

Reprenons les questions d’élèves introduisant cette étude: "Pourquoi de telles tueries au XXe siècle?", "Pourquoi cette haine des Juifs  en plein XXe siècle?", "Hitler était-il chrétien?", "Pourquoi toute cette violence au nom de la religion au XXIe siècle?". Les manuels de troisième d'histoire issus des programmes de 2008 n’y répondent que partiellement. A leur décharge, un programme pléthorique et manquant de cohérence avec le socle commun de compétences.

Néanmoins, nous repérons des différences sensibles entre les diverses  productions d'éditeurs, dans leur manière d'aborder les deux thèmes que nous avons privilégiés d'étudier: le racisme multiforme, d'une violence inouïe, au XXe siècle, et la mise en place systématique de cultes de la personnalité au sens propre du terme, deux sujets qui se rejoignent parfois.

Quatre remarques finales:

   1. Une contextualisation historique et culturelle insuffisante

Cette contextualisation historique et culturelle, de notre point de vue insuffisante, procède d’au moins trois facteurs :

Premièrement, les fréquentes imprécisions, ambigüités ou absence de concepts-clés comme antisémitisme, culte de la personnalité, épuration ethnique, eugénisme, intégrisme, islamisme, nationalisme, pluralisme – voir ci- dessus, partie 1. – sont autant de freins pour une claire compréhension des évènements.

Deuxièmement, des évènements comme le génocide arménien ou l’éclatement de la Yougoslavie  - dont les massacres de Srebrenica - sont souvent vus sous un angle très factuel…Pourquoi cette violence meurtrière ? L’explication par la fatalité n’est pas loin… 

Troisièmement, en partie à cause du programme - dont, par ailleurs, la faisabilité peut être mise en doute - les nationalismes fortement imprégnés de racismes, causes profondes des conflits, ne sont pas étudiés hors de la focalisation sur le stalinisme et le nazisme, rendant difficile une recherche de sens.

Ainsi les causes de la Première Guerre mondiale - et des suivantes - ne sont donc pas présentées, sauf chez Bordas qui, dans une double page (44-45), présente une carte de "La situation en 1914" dont la légende évoque les tensions entre pays européens ayant même ambition coloniale, les revendications nationales des minorités. Les rédacteurs des programmes n’ont pas facilité la tâche aux auteurs soucieux d’introduire du concret dans la réalité complexe de cette guerre 1914-1918. L’étude de représentations caricaturales racistes que les belligérants faisaient de l’ennemi et l’étude de l’image que des soldats français métropolitains en 1914-1918 se faisaient des soldats des colonies, sont présentes dans trois manuels – Belin, Hachette et Lelivrescolaire. Mais ces études telles qu’elles sont montrées ne sont pas, de notre point de vue, sans risque par manque d’éclairage suffisant sur le contexte culturel. Voir ci-dessus : partie 5. Racismes et nationalismes.

Dans les éditions précédentes – programme 1998 -, seul Nathan évoquait cette question si importante pour tenter de comprendre de telles tueries. On pouvait lire à la page 26: " Dans tous les camps, la guerre est vécue comme une croisade du bien contre le mal et les plus jeunes n'échappent pas à cette volonté de diaboliser l'ennemi…"

Toujours côté contextualisation et à propos des cultes de la personnalité, les manuels ont souligné, souvent, ,en utilisant des double-pages, combien ces deux « cultes », chez Staline comme chez Hitler, utilisaient les mêmes artifices de propagande. Cependant, peu d’ouvrages ont pointé combien ces cultes pouvaient mimer les discours et les méthodes de la sphère religieuse. Voir ci-dessus les parties 6. et 7.

A propos du thème « terrorisme », seuls Belin et Hachette apportent une pluralité d’éléments d’analyse et une aide réelle aux élèves pour commencer à "mobiliser leurs connaissances pour donner du sens à l'actualité." - compétence 5 -. Seul Hachette présente clairement l’instrumentalisation d’une religion par un groupe politique. Dans les autres ouvrages fort est le risque d'amalgame entre islam et terrorisme pour, au moins deux raisons: d'une part, les causes économiques, sociales et  culturelles de l'islamisme politique sont ignorées ; d'autre part, l'emploi fréquent d'expressions comme "terrorisme islamique", "attentats terroristes islamistes" dans les documents et les légendes de cartes. Voir ci-dessus : 8. Terrorisme et religions.

   2. Mise en perspective historique insuffisante

L'insuffisance  de mise en perspective historique repérée dans les pages étudiées se manifeste de deux manières :

D’une part, la difficulté à traiter des nationalismes autres que dans leur version stalinienne ou nazie dans la longue durée. Par exemple, la marginalisation de "l'autre", si présente pendant la Seconde Guerre mondiale, n'est pas montrée comme déjà en marche, bien avant la guerre de 1914-1918, avec la montée des nationalismes, des colonialismes et des racismes. L'Affaire Dreyfus - dont l'antisémitisme d’une partie des Français sous Vichy est en grande partie l'écho - n'est jamais rappelée par aucun éditeur. Voir ci-dessus : 4. Antisémitisme et le régime de Vichy.

D’autre part, sauf chez Hachette, l’absence de renvoi à des parties étudiées plus haut dans le programme prive les élèves du rappel de connaissances précieuses pour l’analyse et la compréhension de phénomènes complexes.

Bref, ne rien dire de l'histoire des cultures, des mentalités, des systèmes de pensée ne condamne-t-il pas les élèves à ne voir ces violences meurtrières que comme une fatalité ?

   3. L’histoire des arts, une place encore timide…

Il ne s’agit pas d’espace accordé mais de la manière dont l’histoire des arts est intégrée à la démarche historique pour la compréhension d’un événement donné. Il arrive que le questionnement ne soit pas à la hauteur de l’oeuvre dont la polysémie sera ignorée. D’où une perte de recherche de sens comme le demande la compétence 5 du socle si l’enseignant n’y veille pas. L’histoire des arts  peut provoquer de passionnantes ouvertures culturelles si le lien qu’elle ouvre naturellement avec l’éducation civique est suffisamment saisi. Voir ci-dessus: 9. Arts et totalitarismes.

   4. Insuffisance ou absence de lien avec l'éducation civique

Pour comprendre l’actualité, les conflits proches ou lointains, les différentes formes d’exclusion, de racismes, d’intégrismes, les élèves ont certes les programme d’histoire-géographie mais aussi ceux d’éducation civique, de français, d’arts plastiques, de langues…Dans les parties  que nous avons étudiées, en plus de l’ouverture que permettent les exercices B2i, les manuels favorisent cette interdisciplinarité par diverses propositions. Cependant, les questionnements pédagogiques en histoire – sauf pour Lelivrescolaire – ne construisent pas de pont avec l’éducation civique, ce qui manque de cohérence avec les compétences du socle (1).

Pour conclure, Les auteurs et éditeurs (4) de manuels qui n’ont donc pas eu la tâche facile pour présenter les chapitres d’un programme à la fois dense et éclaté. Dans les pages étudiées, des images souvent très pertinentes et des textes riches ne s’accompagnent pas toujours d’un contexte historique et culturel ainsi que d’un questionnement pédagogique précis. Les élèves pourront-ils « mobiliser (leurs) connaissances pour donner du sens à l'actualité », aller au-delà de l'émotion et dégager l'essentiel d’un document, participer à un débat, échanger sur leurs expériences en découvrant le goût des autres et la joie du vivre ensemble ? Seront-ils capables d’acquérir un regard distancié et critique sur des questions complexes, de déconstruire les stéréotypes qui cachent et entretiennent les peurs, les schémas manichéens d’intégrismes de tous bords visant la diabolisation de l’autre et la légitimation d’une violence meurtrière ? Cela ne sera possible qu’avec un travail accru des enseignants.

 

29 juin 2012

 

Claudine Charleux, Alain Merlet, Jean-Marc Noirot (synthèse) et Maja Siemek

 

 

(1) Programmes et compétences du Socle commun des connaissances sont consultables sur le site: eduscol.education.fr

Du point de vue de Récolarel (Réseau école laïcité religions), le nouveau programme d’histoire de troisième est d’une densité impressionnante. Il multiplie les points de vue dans l’espace et dans le temps, balaie l’ensemble du siècle dans chacun des deux  premiers chapitres, puis l’histoire mondiale de 1914 au 11 septembre 2001, enfin la France à partir de Verdun. Sa faisabilité  et sa cohérence avec les compétences du Socle commun des connaissances peuvent être mises en doute.

(2) Pour plus d’informations voir: “Manuels d’histoire de troisième –programme 1998” sur « recolarel.over-blog.com »

(3) Notons la troublante disparition du mot "fraternité" dans les nouveaux programmes d'éducation civique des classes de collège!...

 (4) Les éditeurs, pour qui le manuel est d’abord un produit  – ici dépendant du  choix des enseignants et du budget des départements pour les collèges - , ont choisi des  stratégies commerciales conduisant à la production d’ouvrages destinés à de bons voire d’excellents  élèves. Une question mérite d’être posée: le choix ministériel de production de manuels scolaires est-il adapté à l’hétérogénéité des classes d’élèves? Est-il bien cohérent avec une pratique pédagogique  laïque, ouverte et démocratique?  

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