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27 mai 2014 2 27 /05 /mai /2014 16:00

Analyse manuels histoire de sixième de collège 2009 -2013

- issus des programmes de 2008 -

 

Troisième partie : Les débuts du christianisme

 

5.  Les débuts du christianisme

 

Nous avons choisi d'étudier sur ce thème les questionssuivantes :

5.1  Remarques sur la forme

5.2  Sources utilisées par les auteurs

5.3  Contexte politico-religieux des débuts du christianisme

5.4  Jésus et son message   

5.5  Son procès et sa crucifixion

5.6 La foi des premiers chrétiens, Paul de Tarse, Le Credo

5.7  Les pratiques des premiers chrétiens

5.8  Les chrétiens persécutés, tolérés puis alliés au pouvoir politique

5.9  Histoire des arts et les débuts du christianisme  

5.10  Les débuts du christianisme : conclusion 

 

5.1 Quelques remarques de forme

 

Pagination souvent réduite!...Expressions quelquefois dépréciatives !...

 

5.1.1 Les choix de pagination (1)

 

Nous ne reprenons pas les remarques générales faites ci-dessus - au § 4.1 - sur la pagination. En ce qui concerne précisément la partie consacrée aux débuts du christianisme, le nombre de pages varie entre 14 chez Hatier, Lelivrescolaire  et  Magnard éd.2013, et 19 pages chez Magnard éd. 2009 ; dans cette fourchette, 16 pages chez Belin éd.2009 - 2013, Hachette et Nathan,  18 pages chez Bordas. Ces écarts - supérieur à 1/3 - sont significatifs. Chez Magnard, la baisse très nette de cinq pages d'une édition à l'autre l'est également. On retrouve sans surprise des paginations variables, inférieures ou non, aux instructions officielles.

 

5.1.2 Le choix de la typographie

 

Concernant l'usage de la majuscule et la présence de guillemets pour des termes du champ religieux, on observe un respect d'usages qui, d'ailleurs, ne font pas objet d'explicitation. On ne retrouve ici la grande instabilité typographique de la partie d'histoire des débuts du judaïsme.

Pour identifier les sources bibliques, certains éditeurs choisissent d'indiquer tel chapitre avec un chiffre romain ; d'autres, un chiffre arabe. Belin éd. 2009 et 2013 utilise les deux, ce qui manque de cohérence de notre point de vue.

 

5.1.3  Des expressions dépréciatives des faits religieux 

 

Remarques déjà formulées dans la partie précédente . Côté textes- auteurs, on note quelquefois l'utilisation de précautions excessives de style quand sont formulés des objets de croyance . Deux formes d'expression sont repérées : l'usage du conditionnel et du "selon la Bible," suivi du conditionnel.

C'est plus particulièrement le cas chez Belin éd. 2009 et 2013 (p.134) et chez Magnard éd.2009 (p.138) et éd.2013 (p.128) où l'utilisation du conditionnel sonne comme un jugement dépréciatif, peu respectueux  aussi bien du fait religieux évoqué que d'élèves susceptibles d'appartenir à cette même tradition religieuse; exemple d'excès de distanciation: "Pour les chrétiens, il (Jésus) serait ressuscité..." (p.134). Chez Bordas, "C'est là que (Jésus) serait apparu ressuscité." lit-on en légende d'une vue des bords du lac de Tibériade.(p.130). Chez Magnard éd.2009, " Après sa crucifixion, ses disciples auraient annoncé sa résurrection..." (p.138)

Les éditeurs ont fait, dans l'ensemble, le choix d'un nombre de pages relativement réduit consacré au christianisme dont la présentation tout comme celle du judaïsme n'est pas simple. L'utilisation de certains conditionnels révèlent  parfois un certain irrespect des croyances et des croyants .

 

(1) le nombres de pages consacrées au christianisme et le différentiel  entre le nombre de pages consacrées et au judaïsme et au christianisme et les 20% recommandés par les textes officiels  se répartissent selon l'édition comme suit : Belin éd.2009 : 16 /-2 ; Belin éd.2013 : 16 / -2 ; Bordas : 18 / 0 ; Hachette : 16 / 0 ; Hatier : 14 / - 6 ; Lelivrescolaire : 14 / - 8 ; Magnard éd.2009 : 19 / 0 ; Magnard éd.2013 : 14 / - 6 ; Nathan: 16 /- 2. Pour plus de détails, se reporter à la note du § 4.1

 

 5.2 Les sources 

 

Les manuels présentent  les débuts du christianisme en se référant à des sources chrétiennes et non chrétiennes ainsi qu'à l'archéologie.

Pour les sources chrétiennes, les manuels sélectionnent de extraits nombreux et variés des quatre Evangiles et des Epîtres de Paul de Tarse mais très peu présentent des passages des Actes des apôtres, sources précieuses pour l'histoire des premières communautés judéo-chrétiennes.

Deux remarques : d'une part, deux des trois éditions les plus récentes de 2013 - Lelivrescolaire et Magnard donnent leurs sources. Lelivrescolaire mentionne : "EBAF, Jérusalem" - qui est l'Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, auteure de la Bible de Jérusalem. Magnard cite la "Bible de Jérusalem, éd. du Cerf, 2008". Les sept autres manuels ne mentionnent pas l'origine des traductions des Evangiles utilisés. D'autre part, excepté Lelivrescolaire, les différentes éditions donnent  souvent des références inexactes aux versets d'un chapitre d'un Evangile ou Epître cité et ne signalent que très exceptionnellement les coupures faites aux textes originaux.

Pour les sources textuelles non chrétiennes, tous les manuels proposent au moins un texte des Antiquités juives de Flavius Josèphe, "un historien romain juif". Belin, Hachette, Hatier et Magnard s'appuient sur les Annales de Tacite, "historien latin". Belin (p.131) et Nathan (p.138) ajoutent un extrait d'une Lettre à l'empereur Trajan de Pline le Jeune, gouverneur de Bithynie. Bordas (p.131) cite Celse, "écrivain grec du IIe siècle".

Les sources archéologiques sont présentes seulement chez Magnard éd.2009 avec deux photographies de "la pierre Ponce Pilate, retrouvée en 1961, à Césarée maritime" et de "la "piscine" de Siloé à Jérusalem." (p137). Ces illustrations sont accompagnées, pour la première, d'un texte des Antiquités juives de Flavius Josèphe citant Jésus et Pilate, et, pour la seconde, d'une légende mentionnant la guérison par Jésus de l'aveugle-né selon "l'Evangile de Jean". On ne peut que regretter que ces documents ne figurent pas dans l'édition 2013 ainsi que dans les autres manuels.

En conclusion, Lelivrescolaire et Magnard éd.2013 sont les seuls à donner les références précises des textes bibliques. Seul, Lelivrescolaire indique les coupures faites dans les textes choisis. Les sources non chrétiennes sont prises en compte mais les découvertes archéologiques le sont insuffisamment. 

 

5.3   Le contexte politico-religieux des débuts du christianisme

 

Contextualisation souvent absente...

 

Cartes et textes d'auteur présentent tous un petit territoire du Proche Orient pratiquant une  religion monothéiste faisant partie d'un vaste empire romain polythéiste. Cependant, seule une carte, dans Belin éd.2009-2013 (p131), montre les nombreuses communautés juives installées dans l'empire romain et au-delà. La présence de ces dernières rappelle les différentes périodes de dispersion des Juifs dans et hors l'empire romain et permet la compréhension d'une des causes d'une rapide diffusion du christianisme. Cette mise en perspective des évènements est un souci pédagogique à signaler.

Tous les manuels donnent un élément contextuel important : l'attente d'un "Messie envoyé par Dieu", d'un "sauveur annoncé par les Prophètes" pour rétablir le royaume d'Israël. Bordas cite même à bon escient un midrach à ce sujet (p130). 

Cependant, la présentation du judaïsme pluriel de l'époque manque sauf dans Bordas. Ce dernier donne un extrait des Antiquités juives de Flavius Josèphe, titré "Les trois écoles du judaïsme en Palestine". Y sont présentées "trois écoles de croyance et des pratiques religieuses fort différentes...Les Pharisiens...Les Saduccéens sont peu nombreux et appartiennent à l'élite...Les Esséniens." (p130).

Manquent  ici les Zélotes, groupe d'opposants radicaux à l'occupation romaine  qui se recrutent dans toute la société. Ils pratiquent la lutte armée et Judas en faisait partie.

Nous renvoyons les lecteurs à notre étude critique faite de la partie consacrée au judaïsme du premier siècle - voir § 4.6 - où quatre groupes étaient distingués.

L'absence d'une contextualisation précise dans tous les manuels pose question. Seule une présentation détaillée du contexte politico-religieux permet de comprendre l'accueil très divers des paroles et gestes de Jésus selon le public auquel il s'adresse, les circonstances et les motifs de sa condamnation à mort, la séparation progressive d'un courant religieux judéo-chrétien vers son autonomie propre, enfin, une des sources de l' antijudaïsme et des accusations millénaires et sans fondement historique et - théologique du point de vue chrétien - de "peuple déicide" à l'adresse du peuple juif. Ainsi, l'élève, dans les programmes actuels, aurait des éléments importants pour relier, trois années plus tard, en classe de 3e l'histoire juive au plus grand génocide du XXe siècle, la Shoah.

Cette quasi absence de contextualisation estompe l'évolution en rupture/continuité qui aboutit à la victoire du rabbinisme synagogal et à la naissance d'un nouveau courant judéo-chrétien puis judéo-pagano-chrétien.

 

5.4  Jésus et son message

 

une image décontextualisée et édulcorée

 

Pour plus de clarté, étudions d'abord les textes d'auteurs, ensuite les documents textuels ; les documents iconographiques seront étudiés dans la partie histoire des arts. 

5.4.1  Jésus et son message dans les textes d'auteurs 

Tous les textes d'auteurs présentent Jésus comme un homme dont l'existence historique est prouvée ; il est le "Messie" pour "certains juifs" puis pour de nombreux "païens". Tous les auteurs indiquent que Jésus propose "un message d'amour" et "promet la vie éternelle".

Sur l'historicité de Jésus, Lelivrescolaire est le plus précis :" En dehors des Evangiles, les récits de l'historien romain Flavius Josèphe et du Talmud de Babylone (commentaire de la Bible par les rabbins juifs) sont les deux principaux témoignages sur la vie de Jésus." (p.134)

Cependant, en ce qui concerne le terme de "Messie" - voir Lexiques § 3.3 -, tous les manuels en donnent des définitions incomplètes et imprécises qui ne disent pas que, pour les chrétiens, le Messie est Dieu incarné en Jésus-Christ.

Deux manuels seulement présentent précisément l'essentiel de la foi chrétienne : "Pour les chrétiens, Jésus est le fils de dieu, venu sauver les hommes grâce à son sacrifice sur la croix. Il est le Messie annoncé dans les Ecritures juives." Bordas (p.136) ; "Jésus se dit le fils de Dieu, venu sur terre pour apporter la "bonne nouvelle" (Evangile en grec)"  Hachette (p. 154).

De plus, aucun auteur ne parle de la liberté d'interprétation de la Bible hébraïque pour Jésus, ni de la liberté de son comportement qui privilégie les rencontres avec tous et, plus particulièrement,  avec les exclus de la société juive comme avec les non-Juifs. Les auteurs taisent également la montée des tensions, surtout avec le groupe des Pharisiens qui accusent Jésus de blasphème, de non respect du shabbat...

D'une manière surprenante, un seul manuel présente un élément de foi original et propre au christianisme, le mystère de l'incarnation : "les chrétiens croient en un Dieu, incarné en Jésus-Christ". Ce manuel est aussi le seul à souligner le caractère de continuité - rupture que représente le message de Jésus : "Jésus ne rejette pas la Bible, ni la religion juive." (Nathan, p.136).

 

5.4.2  Jésus et son message dans les documents textuels

 

A coté d'extraits d'évangiles, toutes les éditions présentent un extrait des Antiquités juives de Flavius Josèphe, 1er siècle après J.-C.

Les neuf éditions donnent de très nombreux extraits des évangiles de Matthieu, Marc, Luc et, dans une moindre mesure, Jean. Ces derniers concernent "la promesse de la vie éternelle" (Luc, 10, 25-37)," le royaume des cieux" (Matthieu, 13, 47-50), "l'amour de Dieu pour les hommes", "l'amour du prochain, de son ennemi"(Matthieu, 5, 43-47) avec des récits de paraboles, de miracles.

Prenons six exemples d'extraits des Evangiles et des Actes des apôtres , que nous analyserons selon deux critères: la pertinence de leur choix par les éditeurs et, éventuellement, celle de leur accompagnement pédagogique

- Six éditions sur neuf - Belin éd. 2009-2013 (p.132), Hatier (p.140), Magnard ed.2009 (p.139), Magnard ed.2013 (p.126) et Nathan (p.133) présentent le texte du "plus grand commandement" - "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit; et ton prochain comme toi-même" ( Matthieu 22, 34-40 et Luc 10, 25-28). Seul, Hatier, pose des questions sur le contenu même de cette citation : "Quelles sont les deux principales obligations du croyant selon Jésus? De quel livre religieux proviennent ces obligations?" Aucun ouvrage ne se risque à proposer une définition pour le mot "âme".

- Seules, quatre éditions présentent les textes qui fondent un évènement-clé du christianisme, la Cène : Belin éd. 2009 ( p.135) et éd. 2013 (p.132), Bordas (p.134) et Nathan (p.133) avec un extrait de l'Evangile de Matthieu, 26 ; Lelivrescolaire avec un extrait de la Première Epître de Paul de Tarse aux Corinthiens, XI (p.135).

- On peut regretter aussi que, seuls, trois éditeurs - Magnard ed.2009 (p.139), Magnard ed.2013 (p.128) et Nathan (p.134) - présentent l'épître aux Galates (3, 26-28) dans laquelle Paul de Tarse expose l'universalité du message de Jésus : "Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ; vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus ni homme ni femme; car vous êtes tous un en Christ." (traduction Louis Segond, ABF). Seul, Magnard éd.2013 demande explicitement : "En quoi ce message est-il universel?"

- Seul, Bordas présente un extrait de Marc, 11, 15-19 où Jésus chasse les marchands du Temple (p.133), un très bon choix qui montre Jésus dans le contexte social de son temps.

- Lelivrescolaire fait également un choix très pertinent en donnant un extrait de Matthieu, 22, 15-21, (p.138), avec pour titre "Distinguer pouvoir et religion".

- Enfin, les manuels Belin éd.2009-2013 sont les seuls à présenter la prière que Jésus adresse à son Père, le Notre Père, la principale prière des chrétiens. Encore faut-il ajouter qu'il n'en garde que la première partie (p.135).

Globalement, les documents présentés et leur traitement pédagogique évacuent le contexte politico-religieux que le choix d'autres textes auraient pu éclairer. Seuls quelques éditeurs vont dans ce sens. Les élèves auront du mal à entrer dans l'originalité et la radicalité du comportement et des paroles de Jésus en butte à un environnement qui deviendra de plus en plus hostile.

Dans l'ensemble, un seul éditeur, Nathan, présente la rupture - continuité que représente la naissance de ce deuxième monothéisme  et cette spécificité du christianisme qu'est le mystère de l'incarnation. Enfin, les textes d'auteurs et les documents choisis donnent une image  trop décontextualisée et souvent édulcorée de Jésus et de son message.

 

5. 5 Le procès et la crucifixion de Jésus

 

Choix peu pertinents des textes...Causes estompées de la condamnation...

 

Qui accuse Jésus? Pour quels motifs? Qui le condamne à être crucifié? Si les réponses à ces questions font encore l'objet de nombreux débats entre exégètes, il est important d'examiner comment les éditeurs traitent ou éludent ces questions qui ont alimenté des comportements haineux et criminels.

Tous les manuels - sauf Bordas -, dans les textes d'auteurs, mettent en cause " les autorités religieuses juives ", plus précisément, " les prêtres de Jérusalem " (Hachette, p.154) ou " les prêtres juifs du Temple " (Hatier, p.138).

Mais le lien de celles-ci avec l'occupant romain n'est précisé dans aucun manuel.

Les motifs de l'accusation exposés par les auteurs - sauf Bordas qui n'en dit rien - sont très variables. Jésus est vu, par les autorités juives, comme un " imposteur ", quelqu'un qui " irrite les prêtres de Jérusalem qui jugent son enseignement contraire aux traditions " (Hachette, p.154) " Son enseignement inquiète les autorités religieuses juives..." (Magnard éd.2009, p.138).

Nathan seul note l'essentiel : "les autorités juives lui reprochent de se faire passer pour le Messie..."(p.132)

Sans préciser toutefois que cette prétention est un blasphème qui mérite la mort aux yeux des autorités religieuses juives (Marc, 14, 61-64).

Les auteurs de quatre manuels - Belin éd.2009 et 2013, de Bordas et Lelivrescolaire - ne disent pas qui condamne Jésus à mort . Pour l'auteur de Magnard éd.2013, ce sont les "Romains".(p.128). Pour Nathan, ce sont les "autorités romaines". (p.136). Pour Hachette (p.154), Hatier( p.138) et Magnard éd.2009 (p.138), c'est "le gouverneur romain Ponce Pilate".

Mais aucun manuel n'évoque la collusion, pourtant déterminante, entre les autorités religieuses juives et le pouvoir politique romain.

Les manuels, dans l'ensemble, n'aident pas à comprendre la responsabilité partagée des autorités religieuses juives et de l'occupant romain dans la condamnation de Jésus. Ce qui serait pourtant une bonne manière de préparer les élèves à l'étude du nazisme en classe de troisième.

 

5.6  La foi des premiers chrétiens : Paul de Tarse, Le Credo  

 

5.6.1  Le rôle de Paul de Tarse

Cinq manuels - Belin éd 2009-2013, Bordas, Magnard et Hachette ont raison de préciser : "Paul de Tarse est juif et citoyen romain". Bordas (p.137) et Hatier (p.139) font bien d'évoquer "le chemin de Damas", évènement devenu métaphore représenté dans  de nombreuses oeuvres d'art. Cependant aucun manuel ne signale qu'avant sa conversion, Paul était rabbin pharisien et ainsi "persécuteur de chrétiens" (Belin, p.130;Bordas, p.137 et Magnard, p. 140) ou, plus précisément, de judéo-chrétiens.

Tous les manuels parlent du rôle majeur de Paul dans "la conversion des Juifs et des païens". Seul Belin a le souci de faire figurer sur une carte les différentes communautés juives réparties dans tout le monde romain où Paul se rend pour sa mission (p.131).

Deux manuels seulement, par le choix d'un extrait des Actes des apôtres, donnent à voir les difficultés rencontrées par Paul auprès de beaucoup de juifs, le jour du shabbat, à la synagogue (Bordas, p.137). Aussi prendra-t-il: la décision d'aller vers les "païens" (Hatier, p.139).

Compte tenu de l'importance de Paul dans l'histoire du christianisme, la présentation de sa vie et des difficultés qu'il rencontre sont abordées avec trop de distance.

 

5.6.2  Le Credo

 

Un texte mutilé et amputé de sa signification

 

Quatre manuels sur neuf - Belin éd.2009, Lelivrescolaire et Magnard éd.2009-2013 ne proposent pas l'étude du Credo et aucun de ceux qui le présentent ne le fait d'une façon satisfaisante.

Le contexte de son écriture est, au contraire, bien analysé dans tous les les manuels - sauf Belin 2009- 2013 - qui précisent bien que le concile de Nicée s'est réuni en 325 à l'initiative de l'empereur Constantin pour fixer les croyances chrétiennes. Bordas, Lelivrescolaire et Nathan vont plus loin dans la contextualisation de cet évènement, présentent un extrait de Vie de Constantin d'Eusèbe de Césarée, IVe siècle, insistant à juste titre sur la volonté de Constantin à faire taire les querelles qui divisent l'Eglise et menacent l'unité de son empire

Les cinq ouvrages qui présentent le texte du Credo ne donnent pas  l'origine de la traduction - souvent approximative - et multiplient des coupures non signalées.

Alors que les premiers mots du Credo sont justement : "Je crois en un seul Dieu", le questionnement pédagogique donne du christianisme l'image d'une  religion aux trois divinités distinctes : "Quelles sont les trois principales croyances du chrétien? Laquelle de ces croyances est partagée par les juifs?" (Hatier, p147) et (Belin, éd.2013, p.140). Les autres éditeurs - (Bordas, p141), (Hachette, p160) et (Nathan, p141) - ne précisent pas davantage que le dieu des chrétiens est un dieu unique en trois personnes - Père, Fils et Esprit.

La mention " Pour nous les hommes et pour notre salut, il (Jésus) descendit du ciel " se trouve dans les quatre manuels concernés (sauf Belin éd.2013). Mais quel en est l'intérêt si aucun de ces manuels ne donne la signification de l'expression " notre salut ".

La mention " par l'Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie..." n'est évoquée dans aucun manuel, gommant ainsi le mystère de l'incarnation. Cf § 5.4 .

Seul, Nathan ajoute deux précisions essentielles : Jésus est mort "sous Ponce Pilate ", ce qui clarifie la question de l'historicité de Jésus ; il est ressuscité " conformément aux Ecritures ", ce qui établit la continuité entre l'Ancien et le Nouveau Testament.

La mention "Je crois en l'Eglise, une, sainte, catholique..." n'est présente dans aucun manuel. C'est logiquement la phrase à la quelle tenait le plus l'empereur Constantin, puissance organisatrice du concile.

Enfin, curieusement, les cinq éditeurs "conjuguent" cette prière à la première personne du pluriel. Credo, je crois, devient "nous croyons"!

En résumé, des éléments essentiel du christianisme contenus dans cette profession de foi ne seront pas transmis à cause de coupures de passages essentiels du texte et d'un questionnement pédagogique mal orienté.

 

5.7  Pratiques des premiers chrétiens

 

une image imprécise de la vie des premiers chrétiens ...

 

Tous les manuels présentent les symboles chrétiens : l'alpha et l'oméga, le chrisme et le poisson avec leur signification.

Hachette fait une erreur historique en insistant sur la croix qui est un symbole tardif, celle-ci étant vu par les chrétiens des premiers siècles comme le rappel d'une mort infamante pour Jésus, fils de Dieu.

Tous les manuels présentent les lieux où se tenaient les premiers offices : basiliques, baptistères.

L'assemblée du dimanche et la pratique de la communion sont particulièrement bien décrites chez Belin éd.2009-2013 (p.135) et  chez Hatier (p.147). Hachette est le seul à appeler du terme actuel "messe" " la célébration du dimanche" (p.161).

En ce qui concerne la prière, seul Belin éd.2009-2013 présente le Notre Père, la principale prière des chrétiens - Matthieu, VI - mais il n'en garde que la première partie, ce qui est regrettable (p.135).

Quatre éditions seulement montrent des personnes en prière : Belin éd.2009-2013 (p.135 - 140), Hatier (p.147) et Nathan (p.136).

Trois manuels parlent du mode de vie des premières communautés chrétiennes en posant des questions concrètes (Magnard éd.2013, p.129 et Nathan, p.135). Lelivrescolaire le fait à sa manière - "les pratiques des premiers chrétiens" (p.138) mais donne dans le texte de Pline le Jeune comme équivalent du mot superstition le mot decroyance , ce qui est beaucoup trop rapide.

Le calendrier des fêtes chrétienne est surtout présent chez  Hachette (p.167) et Magnard éd.2009 (p.149) avec un bon accompagnement pédagogique.

C'est donc une minorité de manuels qui donnent une image précise et concrète de la vie des premiers chrétiens.

 

5. 8  Les chrétiens persécutés, tolérés puis alliés au pouvoir politique au

début du christianisme et dans les deux empires chétiens

 

5. 8.1  Les chrétiens aux débuts du christianisme

 

Un succès peu expliqué ...une évolution peu interrogée...

 

Pourquoi une partie des Juifs puis surtout les païens se  convertissent au christianisme? Deux manuels seulement - Hatier, p.142 et Bordas p.142 - sur neuf en donnent les raisons : la nouvelle religion est "accessible à tous", elle rassemble riches et pauvres, maitres et esclaves dans "les communautés chrétiennes" ; elle promet la vie éternelle. "Le courage des martyrs ...est admiré".

Pourquoi les chrétiens ont-ils été persécutés du Ier au IIIe siècle?

Tous les manuels disent que les chrétiens sont accusés par les autorités romaines d'être de mauvais citoyens et une menace pour l'Empire en refusant le culte impérial. Trois manuels vont plus loin. Hachette (p.158) et Nathan (p.140) évoquent le refus de porter les armes, le premier précisant " pour respecter le message de paix délivré par Jésus."

Hatier ajoute d'autres motifs de persécution ; on accuse les chrétiens " d'irriter les dieux romains en refusant de participer aux sacrifices. On raconte que les chrétiens mangent des enfants et boivent du sang humain." (p.142).

Pourquoi le pouvoir romain est-il devenu tolérant à l'égard du christianisme et intolérant envers les autres croyances?

Tous les manuels mentionnent que les persécutions entraînent de nouvelles conversions au christianisme. Toutefois, ils ne disent pas explicitement que le succès de ce nouveau monothéisme fera prendre conscience aux empereurs romains de la nécessité de prendre en compte cette nouvelle force politique.

Cinq manuels - Bordas (p.140), Hachette (p.158), Lelivrescolaire (p.141), Magnard 2013 (p.130) et Nathan (p.140) - notent bien que, dès le IVe siècle, les empereurs romains utilisent la religion chrétienne pour unifier l'empire.

Aucun manuel ne soulève la question de la contradiction entre le choix des chrétiens et de leurs responsables de se mettre au service des empereurs et le message de l'évangile. Trois manuels titrent un paragraphe "Le triomphe du christianisme" ( Belin éd.2009- éd.2013, p.136), "Le christianisme triomphant" (Hachette, p.158). S'agit-il de christianisme ou de chrétienté en tant qu'ensemble des chrétiens devenus force politique dominante? Cette simplification excessive était déjà inscrite dans " les ressources pour la classe : les débuts du christianisme " (1) qui proposent, comme une des trois problématiques pour ce thème, " de la persécution au succès"...

Quant au rôle des chrétiens aux débuts du christianisme, Hatier est le seul à souligner l'importance grandissante des moines dans l'évolution de la société occidentale sur les plans culturel et économique (p.147). 

 

5.8.2 Les deux empires chrétiens

 

Les relations du religieux au politique insuffisamment interrogées

 

Pour les diverses formes d'évangélisation, cinq manuels - Belin 2009 (151), Bordas (160), Lelivrescolaire (152), Magnard 2013 (p143) Nathan (154) - citent un texte montrant la violence déployée par Charlemagne pour l'évangélisation des Saxons. Belin, Bordas et Magnard la mettent en parallèle avec la méthode pacifique utilisée par les Byzantins pour convertir les Slaves.

Le rôle des moines dans l'évangélisation et le "rayonnement culturel" n'est précisé que dans trois éditions : Hachette  (p.176),  Hatier (p.160)  et Nathan ( p.152)

Le schisme de 1054 entre latins et orthodoxes est éclairé dans Bordas par le texte  d'un historien A. Ducellier sur " Les désaccords entre latins et orthodoxes" (p.161). Les autres manuels évacuent la dimension politique.

Magnard éd. 2009 est le seul manuel à mentionner le pillage de Constantinople en 1204 (p.154). Mais il omet de préciser que les auteurs de ce pillage sont les Croisés et les victimes, des chrétiens orthodoxes. Par ailleurs, aucune des chronologies ne présente cet évènement important dans les manuels.

Si tous les manuels proposent une carte des deux chrétientés du XI au XIIe,  Hatier est le seul à y faire apparaitre les "principales communautés juives" (p.163). On peut regretter qu'aucun manuel n'ait fait figurer les nombreuses minorités chrétiennes de l'empire arabo-musulman.

A noter enfin, dans Lelivrescolaire, la présence pertinente d'un "carton" donnant un éclairage d'actualité sur les deux Eglises orthodoxe et latine (p.154).

En résumé, les raisons de l'expansion pacifique du christianisme naissant sont absentes dans sept manuels sur neuf.

L'évangélisation forcée par Charlemagne n'est présente que dans cinq manuels.

Seuls, deux manuels donnent des raisons religieuses, surtout factuelles, du schisme entre les Eglises latine et orthodoxe. Aucun ne donne à cette rupture la moindre dimension politique.

Le pillage de Constantinople par les Croisés en 1204  est absent des manuels.

Enfin, aucun manuel ne s'interroge sur la complicité qui s'installe durablement, à partir du IVe siècle, entre les pouvoirs politiques et les autorités ecclésiales romaines et byzantines ; aucun ne mentionne le clivage hiérarchique qui éloigne le haut clergé des valeurs évangéliques.

 

 (1) rédigées par la Dgesco.

 

5.9  Histoire des arts et les débuts du christianisme

 

Des images au service du récit ...et peu ouvertes à leur sens symbolique...

 

Les manuels ont choisi, à juste titre, parmi les oeuvres d'art - mosaïques, sculptures, fresques, peintures - un certain nombre de représentations datées pour certaines bien au delà des débuts du christianisme.

Prenons deux exemples les plus significatifs du point de vue symbolique, historique et pédagogique avec leurs richesses et leurs limites.

- Deux mosaïques de baptistère de Ravenne, Italie, Ve/ VIe siècle, représentant le baptême de Jésus sont présentes dans cinq manuels : celle du baptistère des Ariens dans Bordas (p.144) et Hachette (p.166), celle du baptiste néonien dans Lelivrescolaire (p.137) et Magnard éd.2009 (141) et Magnard éd.2013 (p.129).

Soit les images sont insérées dans une série à des fins de révision- Bordas, Hachette -, soit elles sont présentées seules - Lelivrescolaire et Magnard éd.2009 -2013. L'utilisation des séries est pertinente pour se repérer dans le temps , en particulier au moment des révisions.

Pour les mosaïques étudiées pour elles-mêmes, elles pourraient l'être d'une façon plus complète. L'identification du dieu fleuve personnifié évitait de le prendre pour une représentation de Dieu le Père et permettait un rapprochement avec l'étude de la mosaïque romaine chez Magnard 09 (p 114-115) et Magnard 13 (108-109). C'était aussi une façon de montrer la continuité de l'art de la mosaïque dans l'Antiquité et le goût des références mythologiques qui se prolonge même dans le cadre du christianisme. On peut regretter par ailleurs qu'aucun manuel n'ait proposé une étude croisée de cette représentation du baptême de Jésus et un extrait d'évangile.

- Un panneau de coffret en ivoire, Ve siècle, British Museum, Londres, représentant une crucifixion est présent dans sept éditions sur neuf - Belin éd.2009 (p.141) - éd.2013 (133), Bordas (135), Hachette (155), Hatier (139), Magnard éd.2013 (p.126) et Nathan (p.132). Il représente quatre personnages -un soldat romain, l'apôtre Jean, Marie et Judas pendu à un arbre - en plus de Jésus crucifié

Belin éd.2009 et Bordas intègrent cette crucifixion à un ensemble d' "épisodes" sur la vie de Jésus. L'absence de Judas dans un cadre resserré chez Belin peut se comprendre dans un contexte de révision en fin de chapitre.

Trois manuels - Hatier, Magnard 2013 et Nathan - présentent ce document en simple illustration. Ces deux derniers se contentent de faire redoubler par l'image l'information écrite. Quant à Hatier, il donne comme titre à cette image de la crucifixion : "La crucifixion de Jésus vue par les chrétiens", comme si l'artiste reflétait les représentations de tous les chrétiens de l'époque.

Trois manuels - Belin 2013, Bordas et Hachette - font jouer le rapprochement entre le texte et l'image d'ailleurs non coupée. L'image est certes une bonne illustration du texte mais on aurait pu aller plus loin dans l'étude du sens symbolique de l'image en s'interrogeant sur la présence des oiseaux et du nid sur la branche d'arbre où Judas s'est pendu. "La présence des oiseaux montre la foi dans une vie éternelle et paisible après la mort." cf. légende d'une "stèle funéraire égyptienne, Ve siècle. Musée copte, Le Caire", représentant "une chrétienne en prière." (Hatier, p.141).

Un étonnement, aucune représentation de l'Annonciation dans les neuf manuels. l'Annonciation est, pour les chrétiens, le message de l'ange Gabriel annonçant à Marie qu'elle sera la mère de Jésus, moment inaugural du christianisme. Scène qui en outre a fait l'objet de tant de représentations picturales célèbres.

En résumé, on comprend bien que les représentations des oeuvres soient au service de la chronologie de la vie de Jésus ou une façon d'illustrer des récits des évangiles ou une manière d'initier des révisions. Mais l'image a aussi un fonctionnement propre et un sens qu'il est intéressant d'explorer précisément.

 

5.10  Les débuts du christianisme : conclusion 

 

De l'évitement (1)...à une nécessaire "revitalisation" (2)....

 

Des mots-clés sont absents comme révélation, mystère, symbole, blasphème, ou mal définis comme Christ, Messie, résurrection.

Les sources des textes d'évangiles ne sont données que dans deux éditions. Des coupures de textes fréquentes ne sont pas signalées sauf exception.

Des oublis importants étonnent : aucune mention de l'Annonciation si souvent présente dans l'iconographie ; absence pratiquement complète de la plus grande prière chrétienne, le Notre Père.

Le contexte de la rédaction du Credo est incomparablement plus précis que la présentation de son contenu ignoré de quatre manuels sur neuf. Et le christianisme n'est pas clairement présenté comme une religion monothéiste par les cinq manuels qui en parlent.

Les manuels donnent de la vie de Paul de Tarse une image assez terne qui évacue son passé de rabbin juif pharisien et, pour quatre manuels sur neuf, sa conversion. Seuls, deux manuels parlent du "chemin de Damas" si présent dans l'iconographie.

L'iconographie est riche, souvent illustrative sans recherche suffisante du sens symbolique des images.

La société juive plurielle en cette période d'occupation romaine n'est pas présentée clairement : un seul manuel, par exemple, propose le passage de l'évangile où Jésus chasse les marchands du Temple de Jérusalem. Deux conséquences très importantes : d'une part, on évacue l'examen des rapports entre le politique et le religieux et la portée politique d'un choix d'avenir que fait Jésus en distinguant les deux domaines ; D'autre part, on occulte lors du procès de Jésus la responsabilité partagée des autorités religieuses juives et de l'occupant romain dans sa condamnation, ce qui ne permet pas de contribuer à déconstruire l'antisémitisme et de préparer l'étude du nazisme trois années plus tard.

L'espace consacré aux débuts du christianisme donne une image décontextualisée et édulcorée de Jésus, de sa vie, de son message. Celui consacré aux empires chrétiens ne mentionne pas que le haut clergé s'éloigne des valeurs évangéliques ; il interroge insuffisamment les relations  religion / politique. Par rapport aux autres chapitres et aux 20 % de temps demandés  dans les programmes, le choix d'un nombre de pages souvent réduit ne permet pas les développements que ce sujet complexe demande.  

 

Réécriture des textes officiels, une priorité...

 

et des moyens pour plus de formation et de concertation, une urgence...

 

On peut regretter une fois de plus que l'enseignement des faits religieux soit essentiellement programmé en France pour des élèves d'une douzaine d'années. Il serait souhaitable que les programmes des années suivantes leur permettent d'approfondir leurs connaissances et leurs "expériences humaines" dans ce domaine, par exemple en participant à des débats  dans des conditions garantissant liberté de conscience et d'expression. Une réécriture des textes officielles comme certaines "Ressources pour la classe" s'impose dans un esprit de cohérence avec le socle commun, lui-même à revisiter (3). Cette réécriture n'aura d'efficience  qu'accompagnée de temps de concertation interdisciplinaire des enseignants et d'une formation solide des enseignants à un enseignement laïque des faits religieux, enseignement qui participe à la construction d'une pensée curieuse et critique, d'une conscience ouverte au pluralisme, au dialogue et à la rencontre dans une société démocratique où les élèves se sentent invités à être acteurs.

 

(1) ce terme recouvre une réalité et une question. Une réalité : une certaine "dévitalisation" des faits religieux dans les manuels dont les instructions officielles sont en partie responsables. Une question : Parler des faits religieux peut être plus ou moins bien reçu par des élèves et/ou des parents d'élèves. Aussi, certains auteurs et/ou éditeurs n'auraient-ils pas choisi cette frilosité rédactionnelle pour éviter de mettre en difficulté des professeurs et/ou de permettre au manuel édité de garder ou conquérir un public plus large?

(2) Régis Debray, dans son livre cité plus haut, parle du risque de "dévitalisation du fait religieux".  

 (3) voir ci-dessus § 2 notre analyse du "socle commun", des programmes et des " ressources pour la classe ".

 

Claudine Charleux, Alain Merlet et Jean-Marc Noirot

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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